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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

2e Session, 35e Législature,
Volume 135, Numéro 9

Le mardi 23 avril 1996
L'honorable Gerald R. Ottenheimer, Président pro tempore


LE SÉNAT

Le mardi 23 avril 1996
La séance est ouverte à 14 heures, le Président pro tempore étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

Le décès de l'honorable Jean Le Moyne

Hommages

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je me lève aujourd'hui pour exprimer, au nom des sénateurs de ce côté-ci, la profonde tristesse que nous inspire le décès de notre ancien collègue, Jean Le Moyne, qui, comme les sénateurs le savent, est décédé le 1er avril dernier, à l'âge de 83 ans.

Pour avoir travaillé avec Jean Le Moyne dans les premières années du gouvernement du premier ministre Trudeau, j'ai acquis énormément de respect et d'affection envers lui. En tant que conseiller de M. Trudeau, M. Le Moyne a fait part d'excellentes réflexions, souvent avec éloquence, qui sont reprises aujourd'hui dans des discours vraiment importants qui sont prononcés au Canada. Il était connu pour sa facilité de s'exprimer dans les deux langues officielles.

Nommé au Sénat en décembre 1982, Jean Le Moyne s'est immédiatement consacré aux possibilités qu'offre cette institution et qui lui ont paru évidentes. Cet engagement s'est traduit par les efforts qu'il a déployés au comité mixte des langues officielles ainsi qu'aux comités des pêches et de l'agriculture pendant ses six années comme sénateur.

Toutefois, on se souviendra de lui surtout pour l'éloquence de ses écrits et de ses discours sur divers dossiers concernant aussi bien la réforme du Sénat que la culture canadienne. C'est d'ailleurs sur ce dernier sujet qu'au cours d'un débat au Sénat, il a défini ce qui rendait le Canada unique. À la question «Comment expliquer l'existence du Canada?», le sénateur Le Moyne a répondu:

Le Canada a été, et c'est le cas plus que jamais aujourd'hui, un acte de volonté, la volonté d'exister d'une façon qui n'a pas encore trouvé une définition parfaite [...]. La fédération telle qu'elle existe en ce moment est donc la seule véritable originalité du Canada et c'est uniquement dans un fédéralisme de plus en plus ouvert, dynamique et exigeant, que le Canada aura la chance d'arriver à la différenciation nord-américaine de ses éléments, de mûrir et définir son identité, de se donner une image dont rien ne pourra le distraire, de parvenir à une intégralité, de prendre un intérêt pour soi et pour le monde, de devenir un carrefour culturel où l'Europe et l'Amérique du Nord pourront faire le point sur leurs liens et leur créativité [...]. Fidèle à cet idéal, le Canada contribuera à l'avancement de l'humanité vers une fédération mondiale.

Ces mots, honorables sénateurs, revêtent toujours une signification particulièrement forte, malgré tous les difficultés auxquelles la fédération canadienne est confrontée.

Jean Le Moyne était un gentleman qui avait de grands principes, de l'humour et une passion pour le Canada. Quand il a pris sa retraite du Sénat en 1988, j'ai déclaré ce qui suit:

Chaque fois qu'il a été question, depuis 20 ans, de l'unité de notre pays, nous avons pu constater que la loyauté du sénateur Le Moyne envers sa province, qui est une partie de sa loyauté envers le pays, est une qualité très touchante et rare chez un homme politique canadien.

Sa plume lui a valu de nombreux honneurs durant toute sa vie, y compris la médaille du Gouverneur général, le prix Athanase David en 1962, le prix Molson en 1968 et l'Ordre du Canada en 1982. Pourtant, honorables sénateurs, je crois que la récompense qui l'a le plus réjoui a été sa nomination au Sénat, où il a siégé pendant six ans à titre de parlementaire, de poète et de sage, ce qui représente une combinaison très rare et puissante.

(1410)

Tous les sénateurs se joignent à moi pour exprimer notre tristesse et notre profonde sympathie à sa femme Suzanne et à ses proches. Il nous a laissé un précieux souvenir.

[Français]

L'honorable Gérald A. Beaudoin: Honorables sénateurs, je désire faire l'éloge du sénateur Jean Le Moyne. Notre collègue est né à Montréal, en 1913. Intellectuel de haut vol, écrivain, journaliste, fonctionnaire, officier de l'Ordre du Canada, commentateur à Radio-Canada, conseiller du premier ministre Pierre Elliott Trudeau, Jean Le Moyne a été nommé au Sénat en 1982.

Il a brillé au panthéon des lettres et de la pensée au Québec, au Canada et à l'extérieur de notre pays. Homme lettré, fort civilisé, instruit chez les Jésuites au Collège Sainte-Marie, Jean Le Moyne était un personnage remarquable.

Il a aimé ses années au Sénat. «Il y avait beaucoup à faire», a-t-il dit. Il symbolisait bien ce qu'on appelle «l'honnête homme»; sur ce plan, il rejoignait les «classiques». Il avait l'esprit constamment en éveil. Il n'était pas toujours tendre dans ses discussions. Il savait jouer de l'épée. Il défendait la liberté d'expression à la Voltaire qui disait:

Je ne suis pas d'accord avec vous, mais je défendrai jusqu'à la mort votre droit d'exprimer votre point de vue.

On lisait volontiers ses écrits, ses oeuvres et également ses interventions dans les grands journaux du pays.

Je me souviens des critiques fort élogieuses sur son essai Convergences en 1961. Cette oeuvre maîtresse lui a valu les plus grands honneurs. Cet ouvrage fut traduit en anglais en 1966. Jean Le Moyne s'est mérité le prix du Gouverneur général en 1962, le prix David du Québec en 1962 également, et le prix Molson en 1968.

Honorables sénateurs, c'est un fort bel esprit qui vient de nous quitter.

[Plus tard]

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, je voudrais me joindre aux propos du leader du gouvernement au Sénat et du sénateur Beaudoin lors de l'hommage rendu à mon ami le sénateur Le Moyne. Je veux me joindre à leur chagrin. Je veux exprimer à sa famille l'assurance de mes prières. C'est ce que je voulais faire au moment où vous avez donné la parole au sénateur Simard sur un autre sujet.

[Traduction]

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, je joins ma voix à celle les autres sénateurs qui ont rendu hommage à notre ancien collègue, le regretté Jean Le Moyne. Je présente mes condoléances à son épouse, Suzanne, et à sa famille.

J'ai assisté à ses funérailles à la basilique Notre-Dame le lundi 8 avril 1996. Y assistaient également le premier ministre Jean Chrétien et Son Excellence le Gouverneur général Roméo LeBlanc ainsi que de nombreux sénateurs. J'ajouterais que l'un de nos collègues, le sénateur Corbin, a fait l'une des lectures aux funérailles du sénateur Le Moyne.

Jean Le Moyne, né au Québec, a bien servi son pays. Il était un grand humaniste et un grand homme de lettres. Il nous manquera, à nous tous, ainsi qu'à tous ceux qui l'ont connu.

Le sénateur Le Moyne laisse derrière lui un bel héritage. Il se distinguait par son éloquence et son érudition. Il pouvait rapidement et clairement, avec une aisance consommée, citer Blaise Pascal, saint Augustin, Samuel Johnson et bien d'autres grands auteurs. Les honorables sénateurs ignorent peut-être que le sénateur Le Moyne avait dans son bureau un lutrin où reposait le grand dictionnaire de Samuel Johnson, ouvrage qu'il consultait régulièrement.

En 1987, lors d'un voyage en avion dans les Territoires du Nord-Ouest avec un comité du Sénat, je l'ai observé tandis qu'il examinait attentivement les formations géologiques, ravi des explications que lui donnait un jeune géologue assis à côté de lui.

Lorsque je suis arrivée aux funérailles, j'ai été très honorée lorsque son épouse est venue m'accueillir et m'a dit: «Sénateur Cools, il vous aimait beaucoup.» Honorables sénateurs, je l'aimais beaucoup moi aussi, et je n'étais pas la seule.M. Trudeau avait pour lui beaucoup d'affection et d'estime.

Ce pèlerin est parvenu au terme de son périple. Mes meilleurs voeux accompagnent son épouse, Suzanne, et les autres membres de sa famille.

L'honorable Peter A. Stollery: Honorables sénateurs, j'ai appris récemment le décès du sénateur Le Moyne que j'ai connu ici même, au Sénat. C'était un grand Canadien et un homme très bien. Je veux rendre hommage au sénateur Le Moyne et dire que le Canada, dont il était un citoyen remarquable, se trouve appauvri par son décès.

[Français]

L'honorable Jean-Louis Roux: Honorables sénateurs, j'aimerais joindre ma voix à celles de mes distingués collègues, les sénateurs Fairbairn, Beaudoin, Prud'homme, Cools et Stollery pour rendre un hommage à notre collègue le sénateur Jean Le Moyne, écrivain et essayiste de grand talent.

Je voudrais lui rendre hommage en soulignant un fait peut-être unique en faisant une intervention sur un sujet qui est lié directement au fait que le sénateur Le Moyne était écrivain.

Le sénateur Le Moyne a eu l'insigne honneur, qui n'est pas partagé par beaucoup de citoyens et de citoyennes au Canada, d'inspirer un personnage de roman. Je suis sûr que lui-même a dû rire à gorge déployée à la lecture de ce roman qui s'intitule Le ciel de Québec, même s'il est écrit par la plume incisive et souvent trempée dans le vinaigre d'un autre grand écrivain canadien, Jacques Ferron.


DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Le Développement des ressources humaines

La réforme de l'assurance-chômage-demande d'Étude anticipÉe du projet de loi sur l'assurance emploi

L'honorable Jean-Maurice Simard: Honorables sénateurs, trois semaines se sont écoulées depuis qu'en cette Chambre j'ai pris la parole sur le projet de loi C-12. Vous vous rappellerez que j'ai demandé, à ce moment-là, que le Sénat étudie le projet de loi avant son adoption par la Chambre des communes. C'était, à mon avis, une demande sensée. Peut-être trop sensée pour certaines personnes qui ne voient pas où se trouve le bon sens.

C'est le leader du gouvernement au Sénat qui a eu le dernier mot. Elle disait qu'elle suivait de près les progrès du projet de loi à la Chambre, afin de s'assurer que le Sénat ait le temps de l'étudier attentivement. Pour ceux qui ont de la difficulté à suivre les réponses du leader du gouvernement, elle a répondu non à une étude préliminaire.

Nous voici donc trois semaines plus tard, trois semaines qui nous auraient permis de commencer l'examen de ce projet de loi important. La Chambre des communes en termine actuellement l'étude. Le gouvernement peut se vanter d'avoir gagné cette première bataille, puisque nous ne pouvons pas, au point de vue de la logistique, commencer l'étude préliminaire du projet de loi. C'est une honte!

C'est une honte parce que le Nouveau-Brunswick n'est pas bien représenté dans ce dossier. Le silence des députés libéraux du Nouveau-Brunswick en dit long. Seul le ministre des Ressources humaines prend la parole une fois de temps en temps, et certains diraient trop souvent et la plupart du temps, quand il le fait, c'est pour insulter les travailleurs et travailleuses du Nouveau-Brunswick et du Canada.

Ce n'est donc pas surprenant que le comité de la Chambre, à majorité libérale, utilise le système de conférence vidéo pour entendre des témoins à distance. Évidemment, on dit que c'est pour épargner de l'argent, mais il est beaucoup plus «facile» de parler aux témoins par l'intermédiaire d'une caméra qu'en personne. C'est surtout moins gênant que de faire face à des commettants en colère ou à des familles en détresse. La beauté de la technologie, diront certains.

Je suis renversé par la transformation du Parti libéral depuis trois ans. Dans l'opposition, le Parti libéral se disait près des travailleurs, promettait des emplois. Il préconisait une approche différente. Mais c'était avant les élections.

Après avoir obtenu la confiance des citoyens, ils ont changé de disque. Les libéraux disaient qu'il fallait redonner aux gens la dignité et davantage d'occasions de se sortir du chômage. Ce sont là deux valeurs qui ont disparu du discours libéral. À la place, lorsque les libéraux parlent de chômage, ils parlent de punir les utilisateurs fréquents, de tolérance zéro et d'agitateurs payés. Et voilà les députés libéraux en état de siège qui s'enferment à Ottawa en faisant croire à la consultation, en recevant les témoins par satellite.

Le poète québécois Félix Leclerc écrivait, et je cite:

Le soir des élections il m'appelait fiston, le lendemain, il ne se rappelait plus de mon nom.

Cela s'applique aux libéraux. On a promis aux Canadiens de les écouter, on leur a promis mer et monde. Et on les a laissés tomber.

C'est pourquoi nous avions besoin d'une étude préliminaire du projet de loi C-12 au Sénat. Le gouvernement doit être tenu responsable de ses gestes. Et je vous assure que lorsque le Sénat sera saisi du projet de loi, nous, de ce côté de la Chambre, étudierons méticuleusement la proposition du gouvernement libéral.

En terminant, j'invite le leader du gouvernement au Sénat, le sénateur Fairbairn, à faire le nécessaire - et c'est une demande que je fais pour la énième fois - après qu'elle aura convaincu son caucus, d'autoriser le comité du Sénat approprié, qui étudiera le projet de loi, à voyager au pays et plus particulièrement au Nouveau-Brunswick afin d'entendre les travailleurs, de même que les employeurs et tous les intervenants touchés par le projet de loi C-12.

[Traduction]

Les édifices du Parlement

Les changements structurels et infrastructurels

L'honorable Colin Kenny: Honorables sénateurs, en tant que président du comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration, je dois vous informer de certains changements qui se sont produits depuis six semaines concernant nos installations. Ces changements ont pour but de nous aider à accomplir notre travail de sénateurs et de préserver aussi bien que possible les particularités historiques du Sénat.

Les sénateurs auront constaté que la salle du Sénat est dotée d'un nouveau système de sonorisation. C'est indispensable pour assurer la bonne conduite des débats du Sénat, et sans interruption. Outre la meilleure qualité du son, les seuls changements visibles tiennent aux microphones, aux consoles de commande et aux témoins lumineux. Les sénateurs trouveront sur leur pupitre une note décrivant le système et en expliquant le fonctionnement.

Nous avons également profité du congé de Pâques pour rendre à la salle de lecture son élégance traditionnelle des années 20. Le mobilier d'origine a été retrouvé, remis à neuf et remis à sa place. Nous voulons redonner à cette pièce son véritable caractère de salle de lecture et recréer l'atmosphère qui y régnait autrefois. C'est dans cet esprit que nous avons modifié le système de télévision et d'écoute pour le rendre plus discret et disponible dans les deux langues officielles. Les sénateurs peuvent maintenant se servir de petits récepteurs personnels qui transmettront les débats du Sénat et de la Chambre des communes dans les deux langues. L'écran de télévision permettra de suivre les travaux de la Chambre des communes. Le préposé à la salle de lecture pourra expliquer aux sénateurs le fonctionnement des récepteurs.

Pour offrir un espace de travail temporaire aux sénateurs dont les bureaux se trouvent dans d'autres édifices, et un endroit tranquille pour téléphoner, nous avons installé six postes de travail dans la pièce 254-N. Les sénateurs y trouveront des cabines équipées d'une table de travail, d'un téléphone, de hauts parleurs pouvant diffuser les débats des deux Chambres ou des comités, de même qu'un télécopieur et un photocopieur. La première cabine comporte également un téléphone à mains libres et est suffisamment grande pour recevoir quatre personnes.

Afin de réaliser des gains d'efficacité à long terme, nous avons modernisé l'infrastructure électronique du Sénat. En améliorant notre réseau de câbles et certains de nos ordinateurs, nous serons en mesure d'installer de nouveaux services comme Internet et Pubnet, qui nous donneront un accès rapide et économique aux débats parlementaires et aux publications internationales.

De plus, ce projet permettra de résoudre les problèmes d'accès au réseau que les sénateurs de l'édifice du Centre éprouvent depuis un certain temps. Notre système sera maintenant parfaitement compatible avec ceux des Communes et de la Bibliothèque du Parlement.

Je tiens à remercier de leur patience et de leur compréhension les sénateurs et les membres du personnel qui ont subi des inconvénients pendant la période d'implantation.

Enfin, j'attire l'attention des honorables sénateurs sur le travail de notre direction des services et de la gestion du matériel, dont certains employés se trouvent à la tribune de la présidence. Cette équipe efficace et dévouée s'est chargée de la planification et de l'exécution des travaux en un laps de temps très court et a dû faire face à une pression considérable.

Au nom du comité de la régie interne et de tous les sénateurs, je tiens à remercier Jean-Pierre Lavoie, directeur des services, Hélène Bouchard, chef du service informatique, Peter Feltham, agent des systèmes, Paul Beaudoin, chef de la gestion du matériel, Randy Greene, agent des services techniques, Hélène Damphousse, agente des services et Léo Martin, chef du corps de métier. À tous ces employés, un remerciement tout particulier.

Des voix: Bravo!

L'honorable Consiglio Di Nino: Honorables sénateurs, je tiens à me joindre au sénateur Kenny pour féliciter le personnel du grand dévouement avec lequel il s'est acquitté de sa tâche.

Je tiens toutefois à souligner le rôle de premier plan que le sénateur Kenny a joué dans cette initiative. C'est lui qui a assuré l'impulsion nécessaire, avec les idées très arrêtées et très nettes qui étaient les siennes. Sans vouloir minimiser l'apport du personnel, je doute que la tâche aurait été entreprise ou menée à son terme, n'eût été de l'engagement du sénateur Kenny. Il mérite toute notre gratitude.

Des voix: Bravo!

[Français]

Les Affaires étrangères

Bombardement du Liban par Israël

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, l'autre sujet dont je veux vous entretenir est d'une actualité qui nous blesse, qui nous meurtrit. Le 19 mars 1978, les Nations Unies ont adopté la résolution 425, dont le

paragraphe principal demandait à Israël de cesser immédiatement son action militaire contre l'intégrité territoriale du Liban et de retirer sans délai ses forces de tout le territoire libanais. Nous sommes en 1996.

Je dis une fois de plus qu'Israël a démontré par sa sauvage attaque, je ne veux pas ménager les mots, contre le Liban que la paix n'est peut-être pas le premier objectif des maîtres actuels d'Israël.

Comment expliquer cette réplique sanglante contre Cana au sud du Liban? Comment accepter que l'on puisse créer400 000 déplacés sur une population d'un peu plus de deux millions d'habitants et espérer la paix? Comment croire aux objectifs de ces destructions massives contre les nouvelles infrastructures du Liban, un nouveau Liban que j'ai visité deux fois l'année dernière, un nouveau Liban où tous les Libanais se retrouvaient entre eux? Comment expliquer la destruction des centrales hydro-électriques à Beyrouth, à Beyrouth-Est, dans les montagnes où il n'y a pas de Hezbollah?

J'ai assisté ces jours derniers à une multitude de cérémonies pour manifester comme Canadien auprès de nos amis canadiens. Honorables sénateurs, je vous prie de me croire, tout ce que j'avais dit dans le temps, en 1970, sur la question de la reconnaissance de deux nations en Israël, a fini par se matérialiser. J'ai passé par-dessus toutes ces choses.

Comment ne pas avoir une sympathie particulière pour le Liban alors que l'on sait que la seule et unique raison de la fondation du Hezbollah est la présence au sud du Liban de l'État d'Israël?

Je vous prie de lire ce qui est, à mon avis, le meilleur article de Eric Margolis dans le Ottawa Sun de lundi, où il dit exactement pourquoi il y a une insécurité, que le Hezbollah n'existait pas, ce qui lui a donné naissance. Comment en est-on venu à avoir le Hezbollah? Il est du devoir des Canadiens non seulement de souffrir avec ce peuple, d'essayer de l'aider, mais aussi de le comprendre et de demander au gouvernement du Canada de faire tout son possible.

J'apprends à l'instant même que le président Hrawi va parler cet après-midi à l'Assemblée générale des Nations Unies puisqu'il semble que le Conseil de sécurité soit sous la mainmise de notre voisin du sud sur cette question. Au moment où je vous parle, toutes les routes vers le sud du Liban ont été coupées aujourd'hui. Personne ne peut se rendre au sud du Liban.

[Traduction]

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, aux termes de notre Règlement, la période réservée aux déclarations de sénateurs est terminée. Je sais qu'au moins trois autres sénateurs ont des déclarations à faire. S'il y a consentement, je vais leur donner la parole. Est-ce d'accord?

Des voix: D'accord.

Sa Majesté la reine

Hommages à l'occasion de son soixante-dixième anniversaire

L'honorable Noël A. Kinsella: Honorables sénateurs, la loyale opposition de Sa Majesté au Sénat du Canada tient à rendre aujourd'hui un hommage spécial à notre chef d'État, Élisabeth II, par la grâce de Dieu, reine du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, du Canada et de ses autres royaumes et territoires, chef du Commonwealth, défenseur de la Foi.

Honorables sénateurs, le dimanche 21 avril, la reine du Canada a célébré son 70e anniversaire. Nous, de ce côté-ci du Sénat, tenons à signaler cet événement marquant d'une vie remarquable. Conscient du fait que le Parlement canadien se compose de trois parties - la Chambre des communes, le Sénat et la Couronne - et se souvenant des nombreuses visites que la reine a faites au Canada - notamment en 1957 et lors de l'inauguration de la Voie maritime du Saint-Laurent, en 1959 -, le peuple canadien présente ses meilleurs voeux à Sa Majesté à l'occasion de son 70e anniversaire.

Nous prenons note de l'association de la reine avec cette Chambre et de la participation, directe ou indirecte, de la Couronne à l'inauguration de notre législature. Sa sagesse et sa bienveillance à l'égard du peuple canadien justifient que nous lui rendions hommage en cette occasion. C'est avec plaisir que nous signalons aussi que son fils, Son Altesse Royale le Prince de Galles, est actuellement l'hôte du Canada.

Honorables sénateurs, Sa Majesté a toujours été un modèle pour ce qui est du devoir et du service. Les Canadiens ont de nombreux souvenirs très vifs de son sens des responsabilités et de son dévouement comme personnage public, depuis son rôle de chauffeur du service auxiliaire territorial au cours de la Seconde Guerre mondiale jusqu'à ses messages d'encouragement et de persévérance adressés aux Canadiens et à tous les autres peuples du Commonwealth.

C'est au cours d'une visite en Afrique du Sud, en compagnie du roi, son père, et de la reine, sa mère, qu'elle a eu 21 ans. Au cours de l'émission diffusée dans tout le Commonwealth à l'occasion de son anniversaire, elle a alors promis de consacrer toute sa vie à servir la grande famille que constitue le Commonwealth. Honorables sénateurs, Sa Majesté a tenu parole. Sa vie est l'histoire d'un dévouement extraordinaire à l'endroit de tous les peuples du Commonwealth.

Le 8 février 1952, la reine a prononcé son discours d'accession au trône en faisant référence de façon émouvante à:

[...] cette lourde tâche qui m'a été confiée à un âge si tendre [...]

Honorables sénateurs, des Canadiens de tout le pays reconnaissent que Sa Majesté remplit bien son rôle de chef du Canada et nous lui présentons nos remerciements et nos meilleurs voeux et nous lui souhaitons longue vie.

La participation des jeunes aux sports

L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, il y a plus d'une semaine, j'ai eu l'honneur et le privilège d'être invité par M. Bettis Rainsford, de la Caroline du Sud, à assister à l'un des événements sportifs les plus prestigieux du monde, soit le Tournoi de golf des Maîtres qui s'est tenu à Augusta, en Géorgie. Si je parle de cela aujourd'hui ce n'est pas pour faire des envieux, mais parce que, à mon arrivée sur les lieux, j'ai constaté en regardant le tableau principal où étaient affichés les scores que, de mon point de vue, il y manquait quelque chose. Le drapeau canadien n'y figurait pas et il n'y avait aucun participant canadien.

Honorables sénateurs, si je parle de cela aujourd'hui, c'est pour soulever la question suivante: faisons-nous suffisamment d'efforts pour que les jeunes Canadiens puissent continuer de participer aux compétitions sportives internationales? Quand je pense aux grandes légendes - Stan Leonard de Vancouver et George Knudson de Winnipeg, qui ont participé à ce tournoi dans le passé et qui s'y sont imposés - je me demande pourquoi, de nos jours, en tant que pays du G-7, le Canada n'a pas de concurrents qui participent à ce grand tournoi.

Une voix: C'est la faute du libre-échange!

Le sénateur St.Germain: Ce que nous devons tous nous demander, c'est si nous faisons suffisamment pour que nos jeunes puissent participer aux compétitions sportives mondiales.

[Français]

Le Sénat

Les statistiques des questions prises en délibéré

L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs, j'ai cru opportun de vous faire un autre rapport sur l'état des questions prises en délibéré par le sénateur Fairbairn. Depuis le début de la deuxième session, 24 questions sont toujours sans réponse. Si on additionne les 74 qui sont toujours sans réponse en provenance de la session précédente, cela nous fait un total de 98 questions posées par les sénateurs de ce côté-ci du Sénat qui n'ont toujours pas trouvé réponse.

[Traduction]

L'enseignement postsecondaire

La réduction des ressources consacrées à l'enseignement-L'effet sur les étudiants à temps partiel

L'honorable M. Lorne Bonnell: Honorables sénateurs, les étudiants adultes à temps partiel doivent souvent composer avec les responsabilités et le stress supplémentaires que représente le fait d'élever une famille, d'avoir un emploi à temps plein, ainsi que d'autres engagements au sein de leur collectivité. Il n'empêche qu'en 1991, plus de 351 000 étudiants adultes étaient inscrits à temps plein dans un établissement d'enseignement. Les étudiants adultes représentent presque 40 p. 100 de l'ensemble des étudiants collégiaux, et 27 p. 100 de l'ensemble des étudiants universitaires. En outre, les étudiants à temps partiel constituent maintenant près de 40 p. 100 des étudiants collégiaux et universitaires.

Cependant, comptant sur des ressources diminuées, nombre de collèges et d'universités pourraient ne pas être en mesure d'offrir des cours ou des programmes à des heures qui conviennent aux étudiants à temps partiel, dont la vaste majorité, plus de 80 p. 100, travaillent à plein temps. La tendance observée dans nombre de provinces vers la rationalisation de l'éducation postsecondaire aura pour effet de réduire le nombre d'écoles en milieu rural et dans les petites localités et de centraliser les programmes et les services dans les grands centres. Si cette tendance se maintient, on assistera à une diminution marquée des programmes d'éducation et de recyclage que peuvent suivre la plupart des étudiants adultes.

Les plus touchés, évidemment, seront les femmes qui étudient à temps partiel. Les femmes représentent 63 p. 100 des étudiants de premier cycle, 43 p. 100 des étudiants de deuxième cycle et 42 p. 100 des étudiants de troisième cycle à temps partiel. Des rapports de Statistique Canada montrent que, parmi les chômeurs, le manque de cours et de programmes, en plus de leur situation, constitue déjà le plus grand obstacle à leur participation.

Des mesures ont été prises pour reconnaître l'importance de l'éducation des adultes. Par exemple, la Loi canadienne sur les prêts aux étudiants de 1994 a relevé le plafonds de prêts pour les étudiants à temps partiel, le faisant passer de 2 500 $ à 4 000 $. Toutefois, seulement trois provinces - l'Ontario, l'Alberta et la Colombie-Britannique - ont des programmes de prêts complémentaires pour les étudiants à temps partiel.

Honorables sénateurs, lançons un appel aux gouvernements fédéral et provinciaux, aux conseils d'administration des collèges et des universités pour qu'ils se souviennent de l'importance de l'éducation permanente et incitons-les, en cette période d'austérité, à reconnaître les différents besoins et responsabilités des étudiants adultes à temps partiel.

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, je voudrais souligner que la permission a été accordée pour prolonger la période réservée aux déclarations de sénateurs. Celle-ci dure maintenant depuis 30 minutes. Le Règlement du Sénat prévoit que le temps consacré aux déclarations des sénateurs ne doit pas dépasser 30 minutes et que la présidence doit signaler l'expiration de cette période. Si je ne m'abuse, trois ou quatre autres sénateurs veulent prendre la parole sous cette rubrique, et je dois savoir si le Sénat souhaite que la période réservée à ces déclarations se poursuive.

L'honorable Eymard G. Corbin: Honorables sénateurs, c'est aujourd'hui la Journée internationale du livre, et je crois que le sénateur Roux devrait être entendu là-dessus.

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, je m'en remets au Sénat. Y a-t-il consentement unanime à ce que d'autres sénateurs fassent une déclaration?

Des voix: D'accord.

Cuba

La Loi Helms-Burton-L'effet de son adoption par le Congrès américain

L'honorable Norman Atkins: Honorables sénateurs, pendant l'interruption de nos travaux, je suis allé à Cuba, où j'ai accompagné le juge en chef de l'Ontario, l'honorable Roy McMurtry, qui avait été invité à prononcer un discours sur le système de justice pénale canadien lors d'une conférence sur le droit tenue à La Havane. Sa communication a été rigoureuse et elle a été très bien accueillie par les participants, qui provenaient de différents pays dont le Mexique, la Colombie, le Pérou, l'Argentine et certains pays des Antilles.

Pendant notre visite, le juge en chef et moi, de même que les deux autres Canadiens qui nous accompagnaient, avons pu rencontrer des ministres et des sous-ministres du gouvernement cubain, notamment le vice-président et premier ministre,M. Carlos Lage.

J'étais déjà allé à Cuba, et je dois dire que j'ai constaté une certaine amélioration de l'aspect général de la capitale. J'ai senti que, en dépit des récents événements, la vie continuait. Cependant, au fil de la semaine, il est ressorti de nos rencontres avec différents représentants du gouvernement que l'adoption de la loi Helms-Burton par le Congrès américain suscitait beaucoup d'inquiétude. Il semble que l'objectif premier du projet de loi soit de faire tomber le président de Cuba, mais il pourrait aussi avoir de graves répercussions sur des innocents, qui ne méritent pas d'être punis pour les événements survenus récemment. Le degré de détermination des Américains dans la mise en oeuvre de la loi suscitait quelques appréhensions et, en particulier, on se demandait s'ils donneraient une portée très large ou plutôt restreinte à son application, et quel sens ils donneraient, dans la pratique, au mot «trafficking». Il est aussi apparu clairement que la loi Helms-Burton pourrait avoir des conséquences de taille sur une économie en crise qui s'ouvre progressivement et où certains échanges se font en dollars américains.

Honorables sénateurs, il est intéressant de souligner que nous avons rencontré quelques Américains à Cuba. La plupart étaient consternés par l'adoption de cette loi et se disaient d'avis que la majorité des Américains croyaient que c'était une erreur, en dépit de l'avion civil abattu par Cuba. Ils croient que les pressions exercées à la veille d'élections présidentielles par quelques puissants Cubains du sud de la Floride ont poussé les législateurs à une réaction excessive. De plus, il se pourrait que le président ait violé la Constitution en renonçant, dans le projet de loi, à son droit de veto. Ce projet de loi confirme également que l'embargo aurait une durée indéterminée. Ce pays désire importer de la technologie, encourager les investissements étrangers et trouver de nouveaux débouches commerciaux. Il est difficile de prévoir les répercussions qu'aura le projet de loi à cet égard. Cette mesure affecte non seulement Cuba, mais de nombreux autres pays.

Honorables sénateurs, tous ceux qui parlent à des responsables cubains s'aperçoivent que le Canada est vu par Cuba comme un pays ami, qui défend énergiquement sa souveraineté et appuie le développement du libre-échange entre les pays. Les Canadiens sont de toute évidence bien reçus à Cuba, non seulement comme touristes mais comme des gens avec qui les Cubains aiment faire des affaires. Le fait que le Canada entretienne des relations diplomatiques avec Cuba depuis 51 ans et que ces relations se soient développées au fil des années a permis à nos pays respectifs de créer des liens de confiance mutuelle qui nous sont profitables maintenant et le seront encore dans l'avenir.

Nous sommes en bonne partie redevables à l'ambassadeur canadien actuel, M. Mark Entwistle, et à son personnel qui, à mon avis, font un excellent travail en tant que représentants du Canada.

Honorables sénateurs, je crois que la position adoptée par le Canada ces dernières semaines nous fait honneur et qu'à long terme, elle sera bénéfique pour nos deux pays.

La Journée mondiale du livre et du droit d'auteur

L'honorable Jean-Louis Roux: Au cours de sa 28e session qui s'est tenue du 25 octobre au 16 novembre derniers, l'Assemblée générale de l'UNESCO a adopté une résolution déclarant le 23 avril de chaque année Journée mondiale du livre et du droit d'auteur. Cette idée, lancée par l'Union internationale des éditeurs, a été proposée à l'UNESCO par l'Espagne et approuvée à l'unanimité par les États membres de l'organisation.

[Français]

L'idée de cette célébration trouve son origine en Catalogne où traditionnellement, le 23 avril, jour de la Saint Georges, on offre un livre et une rose. Une raison plus universelle explique le choix de cette date. Elle coincide en effet avec la date de disparition de Miguel de Cervantes, de William Shakespeare et de l'Inca Garcilaso de la Vega, décédés tous les trois le 23 avril 1616.

[Traduction]

On peut cependant nommer d'autres écrivains nés ou décédés un 23 avril, notamment l'auteur français Maurice Druon, l'Irlandais Laxness, lauréat du prix Nobel, le Colombien Manuel Mejia Vallejo, le Russe Nabakov et l'Espagnol Josep Pla.

[Français]

La célébration de cette Journée mondiale du livre et du droit d'auteur permettra d'attirer l'attention des autorités gouvernementales et de la société en général sur ce mode de communication qui, malgré l'avènement d'autres moyens notamment audiovisuels chaque jour plus sophistiqués, continue d'être la base de l'éducation active et de la réflexion critique. Cette journée rappellera en outre le rôle joué par le livre et le droit d'auteur en tant que garants des traditions spirituelles et instruments porteurs des idées fondamentales pour une culture de paix, de tolérance et de dialogue.

Secrètement, puis-je indiquer que j'espère qu'avant l'an 2000, lors d'un prochain 23 avril, le gouvernement pourra annoncer que les livres seront exemptés de taxe?

[Traduction]

Rappel au Règlement

L'honorable Finlay MacDonald: Honorables sénateurs, depuis 12 ans que je suis au Sénat, je n'ai jamais contesté le droit d'un sénateur de parler et je n'ai jamais interrompu un sénateur durant son intervention.

Si mes souvenirs sont exacts, vous avez dit, Votre Honneur, que la période réservée aux déclarations de sénateurs était terminée mais que trois autres sénateurs désiraient prendre la parole. Personne dans cette Chambre n'a élevé d'objection. Cependant, plusieurs sénateurs ont pris la parole depuis la fin de la période supplémentaire réservée aux déclarations de sénateurs. Ces interventions supplémentaires étaient excellentes, Votre Honneur, mais j'ai répondu non à voix haute quand vous m'avez demandé mon consentement. De toute évidence, vous ne m'avez pas entendu.

Puis-je avoir la garantie que dorénavant, quand on demande le consentement unanime des sénateurs et que l'un d'eux refuse de donner son consentement, cela sera porté à votre attention et le Règlement du Sénat sera suivi?

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, je regrette beaucoup, mais je n'ai pas entendu le refus du consentement du sénateur MacDonald. Je puis seulement demander si c'est d'accord. Si un sénateur dit non, et que je ne l'entends pas, c'est peut-être ma faute. Néanmoins, je ne peux rien faire pour corriger la situation à moins que le sénateur ne fasse un autre effort pour indiquer qu'il n'est pas d'accord. Je ne vois pas d'autre moyen de régler ce dilemme. Dorénavant, si j'interprète mal vos réponses, portez-le à mon attention.

Question de privilège

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, je dois maintenant donner la parole au sénateur Cools qui a donné préavis ce matin à la présidence qu'elle voulait soulever la question de privilège. Le paragraphe 43(7) du Règlement prévoit que le sénateur qui a donné un tel préavis écrit:

[...] a la parole au cours de la période prévue pour l'étude des « Déclarations de sénateurs », afin de donner avis oral de la question de privilège.

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, je prends la parole pour donner avis oral, conformément au paragraphe 43(7) du Règlement du Sénat du Canada, que je soulèverai la question de privilège plus tard cet après midi.

Plus tôt aujourd'hui, j'en avais donné préavis par écrit au greffier du Sénat, conformément au paragraphe 43(3) du Règlement. Je demanderai à Son Honneur le Président du Sénat de rendre une décision, sur des faits que je décrirai brièvement, à savoir si la question de privilège est fondée à première vue. S'il juge que c'est le cas, je suis prête à présenter la motion requise. Dans l'avis que j'ai fait circuler, je signale mon intention de soulever la question de privilège. Si l'on n'a pas suffisamment de temps aujourd'hui, je suis prête à attendre.

Il faut comprendre, cependant, que le Règlement oblige les sénateurs à soulever ces questions à la première occasion. Il m'est arrivé, il y a deux ans, de vouloir faire plaisir à tout le monde. À la fin du processus, Son Honneur le Président a statué, au sujet de savoir si la question de privilège était fondée à première vue, que je n'avais pas soulevé la question à la première occasion. Je comprends, cependant, l'inquiétude du sénateur MacDonald et je me montrerai coopérative.

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement): Cela n'a rien à voir avec les déclarations. Vous intervenez en ce moment au sujet d'une question de privilège.

Le sénateur Cools: L'article du Règlement dont il est question dispose qu'il faut soulever la question de privilège pendant les déclarations de sénateurs.

Le sénateur MacDonald: Je n'ai pas d'objections.

Son Honneur le Président pro tempore: Sénateur Cools, vous avez respecté les exigences de l'article du Règlement que vous avez cité. Vous avez donné l'avis requis. Plus tard, le sénateur qui donne un tel avis aura l'occasion de présenter les faits qui, selon lui, justifient apparemment la question de privilège. Vous pourrez le faire plus tard au cours de la séance d'aujourd'hui.

Le sénateur Cools: À cette étape-ci, durant les déclarations de sénateurs, je donne ce qu'on appelle un avis oral.


[Français]

AFFAIRES COURANTES

Transports et communications

Dépôt du rapport du comité

L'honorable Lise Bacon: Honorables sénateurs, conformément à l'article 104(1) du Règlement du Sénat, j'ai l'honneur de déposer le premier rapport du comité sénatorial permanent des transports et des communications, concernant les dépenses engagées par le comité en cours de la première session de la trente-cinquième législature.

(Le relevé des dépenses figure aux Journaux du Sénat d'aujourd'hui.)

[Traduction]

Affaires sociales, sciences et technologie

Dépôt du premier rapport du Comité

L'honorable Mabel M. DeWare: Honorables sénateurs, conformément à l'article 104 du Règlement du Sénat, j'ai l'honneur de présenter le premier rapport du comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, concernant les dépenses engagées par le comité durant la première session de la trente-cinquième législature.

(Voir le texte du rapport dans les Journaux du Sénat d'aujourd'hui.)

La Loi canadienne sur les droits de la personne

Projet de loi modificatif-Rapport du Comité

L'honorable Sharon Carstairs, présidente du comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, présente le rapport suivant:

Le mardi 23 avril 1996

Le Comité sénatorial permanent de affaires juridiques et constitutionnelles a l'honneur de présenter son

TROISIÈME RAPPORT

Votre Comité, auquel a été déféré le Projet de loi S-2, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne (orientation sexuelle), a, conformément à l'ordre de renvoi du mardi 26 avril 1996, étudié ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.

Respectueusement soumis,

La présidente,
SHARON CARSTAIRS

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, quand ce projet de loi sera-t-il lu une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Carstairs, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

Examen de la réglementation

Dépôt du rapport du comité

L'honorable P. Derek Lewis: Honorables sénateurs, conformément à l'article 104 du Règlement du Sénat, j'ai l'honneur de déposer le premier rapport du comité mixte permanent de l'examen de la réglementation en vertu de son mandat permanent. Ce rapport traite également des dépenses encourues par le comité pendant la première session dela 35e législature.

(Voir le texte du rapport dans les Journaux du Sénat d'aujourd'hui.)

(1500)

Peuples autochtones

Dépôt du rapport du comité

L'honorable Len Marchand: Honorables sénateurs, conformément à l'article 104 du Règlement du Sénat, j'ai l'honneur de présenter le premier rapport du comité sénatorial permanent des peuples autochtones, qui traite des dépenses encourues par le comité pendant la première session dela 35e législature.

(Voir le texte du rapport dans les Journaux du Sénat d'aujourd'hui.)

L'ajournement

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)h) du Règlement, je propose:

Que, lorsque le Sénat s'ajournera aujourd'hui, ce soit à demain, le mercredi 24 avril 1996, à 13 h 30.

Son Honneur le Président pro tempore: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

Le Budget des dépenses de 1996-1997

Avis de motion portant renvoi du crédit 10 au Comité mixte permanent de la Bibliothèque du Parlement

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je donne avis que demain, le mercredi 24 avril 1996, je proposerai:

Que le comité mixte permanent de la Bibliothèque du Parlement soit autorisé à étudier les dépenses projetées au crédit 10 du Parlement contenues dans le Budget des dépenses pour l'exercice se terminant le 31 mars 1997; et

Qu'un message soit transmis à la Chambre des communes pour l'en informer.

Avis de motion portant renvoi du crédit 25 au Comité mixte permanent des langues officielles

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je donne avis que demain, le mercredi 24 avril 1996, je proposerai:

Que le comité mixte permanent des langues officielles soit autorisé à étudier les dépenses projetées au crédit 25 du Conseil privé contenues dans le Budget des dépenses pour l'exercice se terminant le 31 mars 1997; et

Qu'un message soit transmis à la Chambre des communes pour l'en informer.

Les travaux du Sénat

Autorisation aux comités de siéger pendant les ajournements du Sénat-Avis de motion

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je donne avis que demain, le mercredi 24 avril 1996, je proposerai:

Que, pour la durée de la présente session, les comités particuliers puissent se réunir pendant les ajournements du Sénat.

Projet de loi sur le programme de protection des témoins

Première lecture

Son Honneur le Président pro tempore annonce qu'il a reçu des Communes un message accompagné du projet de loi C-13, Loi instaurant un programme de protection pour certaines personnes dans le cadre de certaines enquêtes ou poursuites.

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Milne, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de jeudi prochain,le 25 avril 1996.)

La Loi sur les contraventions

Projet de loi modificatif-Première lecture

Son Honneur le Président pro tempore informe le Sénat qu'il a reçu des Communes un message accompagné du projet de loi C-16, Loi modifiant la Loi sur les contraventions et d'autres lois en conséquence.

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Losier-Cool, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de jeudi prochain,le 25 avril 1996.)

Projet de loi sur certains accords concernant l'aéroport international Pearson

Première lecture

Son Honneur le Président pro tempore annonce qu'il a reçu des Communes un message accompagné du projet de loi C-28, Loi concernant certains accords portant sur le réaménagement et l'exploitation des aérogares 1 et 2 de l'aéroport international Lester B. Pearson.

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une deuxième fois?

Des voix: Jamais!

(Sur la motion du sénateur Graham, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de jeudi prochain,le 25 avril 1996).

[Français]

L'Association interparlementaire Canada-France

Vingt-sixième Réunion annuelle tenue à Paris et à Strasbourg-Dépôt du rapport de la délégation canadienne

L'honorable Jean-Louis Roux: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation canadienne de l'Association interparlementaire Canada-France, qui a participé à la XXVIe réunion annuelle, tenue à Paris et à Strasbourg, du 20 au 28 janvier 1996.

Transports et communications

Avis de motion portant autorisation au comité d'engager du personnel

L'honorable Lise Bacon: Honorables sénateurs, je donne avis que le mercredi le 24 avril 1996, je proposerai:

Que le comité sénatorial permanent des transports et des communications soit habilité à retenir les services de conseillers, techniciens, employés de bureau ou autres éléments nécessaires pour examiner les projets de loi, la teneur de projets de loi et les prévisions budgéraires qui lui ont été déférés.

[Traduction]

Peuples autochtones

Avis de motion portant autorisation au comitÉ d'étudier les questions relatives à son mandat

L'honorable Len Marchand: Honorables sénateurs, je donne avis que mercredi prochain, le 24 avril 1996, je proposerai:

Que le comité sénatorial permanent des peuples autochtones, en conformité avec l'alinéa 86(1)q) du Règlement, soit autorisé à étudier les questions qui pourraient survenir occasionnellement se rapportant aux peuples autochtones; et

Que le comité présente son rapport au plus tard le 31 mars 1997.

Affaires juridiques et constitutionnelles

Autorisation au comité de siéger en même temps que le Sénat

L'honorable Sharon Carstairs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)a) du Règlement, propose:

Que le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles soit autorisé à siéger à 15 h 30 le mercredi 24 avril 1996, même si le Sénat siège à ce moment-là et que l'application du paragraphe 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.

Son Honneur le Président pro tempore: Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

L'honorable John B. Stewart: Honorables sénateurs, puis-je poser une question pour obtenir des éclaircissements?

Son Honneur le Président pro tempore: Certainement.

Le sénateur Stewart: Je crois comprendre que lorsque le Sénat accepte de siéger à 13 h 30 le mercredi, il est entendu que le Sénat lèvera sa séance vers 15 heures.

Si je comprends bien la situation, la motion proposée semble partir du principe que cela ne sera pas le cas demain. Comme les sénateurs le savent, j'accepte mal le fait qu'à de nombreuses reprises, le mercredi, lorsque nous débutons nos travaux à 13 h 30, nous les poursuivons bien au-delà de 15 heures. Je ne m'oppose pas à la motion du sénateur Carstairs, mais je demande des éclaircissements.

Est-il toujours vrai que lorsque nous nous réunissons à 13 h 30 le mercredi, le Sénat lèvera sa séance à 15 heures environ pour permettre aux sénateurs d'assister aux travaux de leurs comités respectifs ou est-ce qu'avec le temps, la situation a changé au point que même si nous nous réunissons toujours à 13 h 30, nous allons maintenant poursuivre nos travaux bien au-delà de 15 heures? Ce serait utile d'avoir quelques informations à ce sujet.

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je peux peut-être essayer de répondre à la demande d'information du sénateur Stewart.

Je dois accepter la responsabilité du fait que le comité des affaires juridiques et constitutionnelles demande la permission de siéger à 15h30, mercredi, même si le Sénat siège encore. Le président de ce comité a demandé au départ cet après-midi si le comité pouvait se réunir à 15 h 15, car il doit entendre un témoin qui a un vol régulier à prendre. En prévision de ce qui pourrait se produire demain après-midi, j'ai proposé au sénateur Carstairs que, en fait, elle prévoie sa réunion pour 15 h 30. En demandant que le comité puisse siéger à ce moment-là, le sénateur donnait suite à une requête du leader adjoint du gouvernement au Sénat.

Je connais toutes les craintes qu'on a exprimées à de nombreuses reprises au sujet de cette question. Je peux presque ressentir l'angoisse du président du comité des affaires étrangères, le sénateur Stewart, dont le comité siège normalement à 15 h 15 le mercredi après-midi. J'ignore au juste s'il avait ou non prévu une réunion pour demain après-midi, à ce moment-là.

Le sénateur Stewart: Oui.

Le sénateur Graham: J'essaie d'être réaliste. J'ai eu des entretiens avec le chef adjoint de l'opposition au sujet de notre programme de mercredi. Nous avons une excellente occasion de demander la collaboration de tous les honorables sénateurs pour accélérer les travaux du Sénat le mercredi en particulier. Il est15 h 10 cet après-midi et nous ne sommes toujours pas arrivés à la période des questions et nous n'avons toujours pas abordé les questions à l'ordre du jour. J'accepte toute la responsabilité pour cette requête. Je le répète, cela me donne l'occasion de demander à tous les honorables sénateurs de collaborer pour qu'en fait, nous puissions être à l'heure.

Je ferai observer que notre Règlement ne nous oblige pas à lever la séance à 15 heures. Il s'agit d'une simple entente qui est intervenu au fil des ans. Cependant, je suis convaincu que nous pourrons atteindre cet objectif si tous les honorables sénateurs veulent bien collaborer.

Le sénateur Stewart: Honorables sénateurs, je ferai observer deux choses. Premièrement, ce n'est peut-être pas une règle, mais je me souviens d'avoir assisté à une réunion au cours de laquelle il avait été convenu d'ouvrir la séance à 13 h 30, en prenant bien soin de préciser qu'elle sera levée à 15 heures, ou quelques minutes plus tard s'il ne convenait pas de lever la séance à 15 heures précises.

Je sais ce que font les leaders - ils grignotent, comme des souris. Ils sont des experts dans le domaine. Si nous n'avons pas l'intention de tenir compte de l'ajournement prévu à 15 heures, oublions l'idée de nous réunir plus tôt, soit à 13 h 30, puisque c'était la raison même de ce changement d'horaire.

L'argument qui a été invoqué au nom du sénateur Cartairs et de son comité est très convaincant. Néanmoins, c'est un argument que j'aurais pu invoquer à maintes reprises ces derniers mois.

Je suis tout à fait désolé. J'espère recevoir l'assurance que, lorsque nous nous réunissons un mercredi à 13 h 30, il est bien entendu que les leaders font leur possible pour que les comités puissent respecter le programme de travail qu'ils ont établi en supposant que l'entente qui a été officiellement conclue et qui n'a jamais été abrogée serait respectée.

L'honorable Eric Arthur Berntson (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, je vais essayer en une minute de faire en sorte d'échapper à la catégorie des «souris».

Même si je n'étais pas dans le voisinage quand cette entente a été conclue, je crois savoir que cela a donné lieu à un peu de marchandage. Il y a du pain sur la planche et à la Chambre et au sein des comités. Indépendamment de l'entente, il nous faudra encore et toujours venir à bout de l'ordre du jour les mercredis. Même si le sénateur Graham et moi remuons ciel et terre pour en avoir terminé à 15 heures, ce ne sera pas toujours possible.

Je voudrais également faire valoir que, lorsque cette entente a été conclue, il a été décidé, si je ne m'abuse, que nous siégerions les lundis soir pour compenser les séances raccourcies des mercredis. Nous devrions peut-être reconsidérer la chose.

Je reconnais que les comités ont un emploi du temps très chargé et que nous nous efforçons de répondre à leurs besoins. Néanmoins, je crains vraiment que nous ne soyons les perdants dans cette affaire. Or, n'oublions pas que c'est la Chambre qui, de par sa position prépondérante, doit avoir priorité sur les comités.

Cela étant dit, je suis tout à fait disposé à collaborer avec mon collègue, tous les mercredis si nécessaire, afin de tenter d'aboutir à cette entente que nous avons fini par comprendre. Peut-être devrions-avoir quelque chose de plus formel qu'une entente et inscrire cela dans le Règlement.

Son Honneur le Président pro tempore: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Avec dissidence!

(La motion est adoptée avec dissidence.)

Langues officielles

Avis de motion portant autorisation au comité de siéger en même temps que le Sénat

L'honorable Jean-Louis Roux: Honorables sénateurs, je donne avis que mercredi prochain, le 24 avril 1996, je proposerai:

Que le comité mixte permanent des langues officielles soit autorisé à siéger pendant les séances et les ajournements du Sénat; et

Qu'un message soit transmis à la Chambre des communes pour l'en informer.

Affaires sociales, sciences et technologie

Avis de motion portant autorisation au comité d'engager du personnel et des services

L'honorable Mabel M. DeWare: Monsieur le Président, je donne avis que mercredi, le 24 avril 1996, je proposerai:

Que le comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie soit autorisé à retenir les services des conseillers juridiques et du personnel technique, d'employés de bureau ou d'autres personnes nécessaires pour examiner les projets de loi, la teneur de projets de loi et les prévisions budgétaires qui pourraient être renvoyés au comité.

L'enseignement postsecondaire

Avis d'interpellation

L'honorable M. Lorne Bonnell: Monsieur le Président, conformément au paragraphe 57(2) du Règlement, je donne avis que mardi prochain, le 30 avril 1996, j'attirerai l'attention du Sénat sur la situation sérieuse de l'enseignement postsecondaire au Canada.

PÉRIODE DES QUESTIONS

La Constitution

Le référendum à Terre-Neuve concernant l'enseignement-Les Conditions de l'union-La position du gouvernement

L'honorable Michel Cogger: Honorables sénateurs, avant de poser ma question à madame le leader du gouvernement au Sénat, je voudrais donner un bref historique à l'intention des sénateurs qui ne sont peut-être pas très bien au courant de ma question.

Les honorables sénateurs se rappelleront que, le 5 septembre 1995, les Terre-Neuviens ont été appelés à exprimer leur opinion par référendum sur des modifications éventuelles à l'article 17 des Conditions de l'union concernant le système scolaire de leur province.

À la suite du référendum, qui s'est soldé par un vote serré en faveur du oui, l'assemblée législative a adopté une résolution le 31 octobre 1995. Par la suite, le Président Snow de l'assemblée législative de Terre-Neuve a fait parvenir une lettre au greffier du Conseil privé, ici, à Ottawa, et M. Chrétien a alors envoyé une lettre au premier ministre de l'époque, M. Wells.

Cette question est importante pour les Terre-Neuviens. Elle l'est également pour tous les autres Canadiens, dans la mesure où l'attitude du gouvernement fédéral dans cette affaire les renseignera probablement sur la façon dont il entend examiner les modifications constitutionnelles, surtout en ce qui concerne les droits des minorités inscrits dans la Constitution canadienne.

Dans la lettre qu'il a adressée à M. Wells, qui était alors premier ministre, M. Chrétien dit ceci:

Je peux donc confirmer que le gouvernement fédéral compte présenter la résolution de modification. Je prévois qu'il sera en mesure de la déposer au Parlement au retour de la Chambre, en février.

Honorables sénateurs, puisque février et mars sont passés, que nous sommes pratiquement à la fin d'avril, que l'été approche et que la Chambre ajournera alors pendant plusieurs mois, ma question est la suivante: Madame le leader du gouvernement au Sénat pourrait-elle nous éclairer en nous disant si le gouvernement du Canada entend honorer l'engagement qu'il a pris auprès du premier ministre de Terre-Neuve à l'époque? Dans l'affirmative, quand?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, on m'informe que le premier ministre honorera l'engagement auquel le sénateur a fait référence et qui a été mentionné dans les lettres échangées. Le premier ministre a dit que la Chambre aura l'occasion de débattre cette question avant les vacances d'été. Ce sont les derniers renseignements que j'ai reçus.

Le sénateur Cogger: Est-ce que ce sera avant ou après le dépôt du projet de loi éliminant la TPS?

Le sénateur Lynch-Staunton: Les taxes seront harmonisées!

La taxe sur les produits et services

Son harmonisation avec les taxes de vente provinciales-La publication des effets-La position du gouvernement

L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement et porte sur l'harmonisation de la TPS et des taxes de vente provinciales.

Le trésorier de l'Ontario a affirmé que l'harmonisation pourrait coûter jusqu'à trois milliards de dollars aux contribuables de sa province. L'Association des consommateurs du Canada parle d'un total national de six milliards de dollars et d'un impact de 1,75 p. 100 sur l'inflation. Ce chiffre de l'Association des consommateurs du Canada découle d'une étude de Global Economics, la firme qui, en 1993, à la demande des libéraux, a mesuré le coût des promesses du livre rouge. Le ministère des Finances rejette ces chiffres et affirme que, vu ce qui s'est produit lors de la mise en place de la TPS, on peut dire que la diminution des taxes sur les intrants d'entreprises sera transmise aux consommateurs.

Honorables sénateurs, lorsque le gouvernement conservateur a remplacé l'ancienne taxe de vente fédérale par la TPS, il a aussi créé un centre d'information des consommateurs afin de déterminer quels seraient les effets de cette taxe et il a publié les résultats du suivi.

La ministre peut-elle nous assurer, premièrement, que le gouvernement va observer les effets de l'harmonisation sur les consommateurs et, deuxièmement, que les résultats de ses observations seront rendus publics?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, avant de répondre à ces deux questions, je tiens à consulter mes collègues, le ministre des Finances et le ministre du Revenu national.

Le sénateur St. Germain: Honorables sénateurs, ma question complémentaire est très brève. Madame le leader du gouvernement au Sénat pourra peut-être le confirmer, mais j'ai cru comprendre que les trois provinces de l'Atlantique ont signé un accord de principe. Le coût de la mise en oeuvre et de l'harmonisation de la TPS dans ces trois provinces s'élèvera à un milliard de dollars.

Est-ce là le prix qu'il faut payer pour l'opportunisme politique et pour retenir la vice-première ministre et les autres députés qui avaient promis de démissionner si la TPS n'était pas abolie ou remplacée?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, pas du tout. Le sénateur saura que, d'après la déclaration faite aujourd'hui par le ministre des Finances, le protocole d'entente avec les trois provinces de l'Atlantique marque le début du processus, et non la fin.

Le milliard de dollars auquel l'honorable sénateur fait allusion est prévu dans la disposition transitoire d'adaptation qui fait partie du protocole d'entente. En réalité, le montant s'élève à 960 millions de dollars.

Le sénateur Berntson: C'est 100 millions de dollars.

Le sénateur Fairbairn: Toutefois, le montant de 960 millions de dollars est important. Je voudrais bien citer le montant exact aux fins du compte rendu.

Le sénateur Lynch-Staunton: C'est un fort prix à payer!

Le sénateur Fairbairn: Il est évident que le protocole avec le Canada atlantique sera...

Le sénateur Berntson: Il exclut l'Île-du-Prince-Édouard.

Le sénateur Fairbairn: ... avantageux pour les trois provinces qui conviennent d'harmoniser leur taxe avec la taxe fédérale.

Le sénateur Kinsella: Comment?

Le sénateur Fairbairn: Le sénateur doit savoir que la disposition transitoire dans le protocole n'est pas nouvelle. Dans le passé, lorsque des ententes aussi importantes étaient conclues, le gouvernement fédéral était souvent prêt à offrir une aide transitoire.

Le sénateur Lynch-Staunton: Par exemple, lorsque le Québec a harmonisé les taxes?

Le sénateur Fairbairn: En 1972, lorsqu'il a été question de la réforme fiscale, une aide transitoire a été fournie. L'an dernier, lorsque la Loi sur le transport du grain de l'Ouest est entrée en vigueur...

Le sénateur Lynch-Staunton: Vous étiez censés abolir la taxe.

Le sénateur Fairbairn: ... une aide a été fournie à une autre région du Canada.

Les trois provinces atlantiques recevront du gouvernement fédéral une aide répartie sur quatre ans. Au bout de cette période, les dispositions fiscales convenues aujourd'hui seront déjà solidement en place et les provinces se débrouilleront toutes seules. Le gouvernement fédéral n'a pas à s'excuser d'avoir conclu un tel protocole.

Le sénateur Lynch-Staunton: C'est exact. M. Mulroney sait fort bien l'expression «pas d'excuse».

Le sénateur Fairbairn: Tout se fait selon une formule offerte à toutes les provinces canadiennes. Certaines considèrent que la formule est ouverte. Certaines pourront en profiter, d'autres pas. Les trois provinces de l'Atlantique qui ont pris les devants et vont entamer le processus en bénéficieront, comme pourraient le faire l'Île-du-Prince-Édouard, le Manitoba ou la Saskatchewan.

L'harmonisation avec les taxes de vente provinciales -Le coût des avantages pour les contribuables-La position du gouvernement

L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, il est ridicule de la part du leader du gouvernement au Sénat de comparer les subventions au transport du grain et l'harmonisation de la TPS. Cela n'a pas de bon sens. Il n'y a aucune comparaison possible.

En tant qu'habitant de la Colombie-Britannique, je ne m'oppose pas aux paiements de péréquation visant à maintenir un niveau de vie élevé partout au Canada, mais pas par opportunisme politique. Mon ancien collègue de Cabinet, l'honorable John Crosbie, excellait à distribuer des noms aux gens, dont celui de «bébé d'un milliard de dollars». Avons-nous besoin de dépenser un milliard pour sauver une députée?

Il est ridicule de la part du leader du gouvernement au Sénat d'évoquer les subventions au transport du grain en comparaison avec une décision destinée à tenir une promesse électorale qui était ridicule pour commencer.

Le leader du gouvernement pourrait-elle me dire qui paiera ces 960 millions de dollars, presque un milliard? Cet argent viendra-t-il des autres provinces? Ce n'est qu'un moyen de réaliser un programme d'action politique.

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Mon honorable collègue peut exposer son point de vue qui lui vient de la région où il habite.

(1530)

Lui et moi avons toujours des échanges intéressants au Sénat, mais je trouve ce qu'il dit incroyablement insultant pour les trois provinces de l'Atlantique qui ont eu la prévoyance de profiter...

Le sénateur Berntson: Je trouve cela insultant pour l'Île-du- Prince-Édouard!

Le sénateur Fairbairn: ... d'une option qui est offerte à toutes les provinces du pays, à savoir harmoniser des taxes.

Le sénateur Lynch-Staunton: Combien offrez-vous à l'Ontario?

Le sénateur Fairbairn: L'harmonisation sera très avantageuse pour les consommateurs et les gens d'affaires, surtout les chefs de petite entreprise de la région de l'Atlantique, tant en ce qui concerne leurs activités ici au Canada qu'en ce qui concerne les exportations.

Je trouve incroyable que mon honorable collègue dise aux gens de Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick et de Terre-Neuve, qui ont conclu une entente avec bonne volonté, enthousiasme et de grands espoirs quant aux possibilités qu'elle permettra, que cette entente n'a été conclue que par opportunisme politique. Balivernes, sénateur St. Germain!

Le sénateur Berntson: Continuez!

L'honorable Gerald J. Comeau: Honorables sénateurs, cette observation me force à intervenir. Le leader du gouvernement au Sénat vient de dire que c'était insultant pour les Néo-Écossais. Mon collègue a également dit que les Néo-Écossais ont été insultés par ce marché. En réalité, ils n'ont même pas été consultés. Si vous voulez vraiment savoir ce qui s'est passé en Nouvelle-Écosse, je vais vous le dire. Trois premiers ministres ont conclu une entente derrière des portes closes. La première ministre Callbeck a au moins eu la perspicacité de se retirer tout de suite parce qu'il n'y avait pas de siège au Sénat en perspective pour sa province. De toute évidence, le premier ministre de la Nouvelle-Écosse savait ce qui arrivera en juillet. Le sénateur qui siège à côté du leader du gouvernement prendra alors sa retraite. Nous verrons alors quel autre prix il faut payer pour l'harmonisation.

Si le leader du gouvernement veut savoir ce que disent les Néo-Écossais, je l'invite à venir en Nouvelle-Écosse et à le leur demander directement.

Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, je vais lire le compte rendu demain pour bien comprendre la théorie de la conspiration qui semble motiver cette question. Elle est si complexe qu'il est difficile de s'y retrouver.

Que je sache, le premier ministre de la Nouvelle-Écosse, John Savage, les membres de son Cabinet et les députés de l'Assemblée législative ont été élus par les Néo-Écossais pour former le gouvernement et prendre des décisions dans l'intérêt bien compris de la Nouvelle-Écosse.

On peut difficilement prétendre qu'on a fait des mystères au sujet de l'harmonisation de la TPS. Nous en parlons depuis deux ans et demi. La question est ardue, nous l'avouons. Mais il est grotesque de prétendre, comme mon collègue le fait, que cette entente a été tramée en secret. Donnez une chance aux habitants de la Nouvelle-Écosse. Ils ont un premier ministre dynamique et actif, qui a été élu et peut l'être encore. Avec ses autres collègues de l'Atlantique, il a saisi l'occasion de prendre une mesure qui sera bénéfique pour sa province et les habitants de cette région. Au lieu de critiquer le premier ministre de la Nouvelle-Écosse, le sénateur devrait se joindre à ceux qui le félicitent de cette approche éclairée.

Le sénateur Comeau: C'est la même chose...

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, je vous signale que d'autres sénateurs désirent poser des questions, probablement sur d'autres sujets. Si nous voulons qu'ils aient tous l'occasion d'intervenir, cela devrait peut-être être la dernière question complémentaire du sénateur.

L'harmonisation avec les taxes de vente provinciales-L'incidence sur le prix des livres-La position du gouvernement

L'honorable Gerald J. Comeau: Honorables sénateurs, madame le leader du gouvernement au Sénat a laissé entendre qu'elle lira le hansard dans les jours qui viennent. Je lui propose de retourner en arrière et de lire les observations qu'elle a faites lorsque le gouvernement précédent a introduit la taxe sur les produits et les services et surtout ce qu'elle avait à dire, à l'époque, sur le droit légitime du gouvernement de présenter un projet de loi semblable.

Je lui recommande d'étudier la procédure qui a été suivie pour le programme actuel d'harmonisation. Essentiellement, tout s'est décidé dans les aéroports. Le ministre parcourt le Canada, rencontre les ministres provinciaux et prend des décisions dans les aéroports au lieu de consulter la population de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick, de l'Île-du-Prince-Édouard et de Terre-Neuve. Toutes ces décisions ont été prises à huis clos. Nous nous retrouvons aujourd'hui devant un fait accompli.

En même temps, madame le leader du gouvernement au Sénat pourrait revoir les déclarations qu'elle a faites au sujet du prélèvement d'une taxe sur les livres. Je crois comprendre qu'elle est également ministre responsable de l'alphabétisation. Elle voudra peut-être savoir si les livres seront taxés dans le cadre du nouveau programme appliqué au Canada atlantique.

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, les audiences que le comité parlementaire a organisées au sujet de toutes les options de réforme de cette taxe sont loin d'avoir été tenues dans des aéroports ou à huis clos. Les portes étaient toutes grandes ouvertes. Cette question a fait l'objet de discussions libres et de nombreuses audiences ont eu lieu sur une longue période. Des tas de suggestions ont été faites et elles ont toutes été examinées. Toutes les solutions possibles et toutes les suggestions ont été examinées.

Le gouvernement fédéral insérera dans son projet de loi la solution la plus juste, la solution qui suscitera le plus de collaboration entre les provinces et celle qui bénéficiera le plus aux gens d'affaires. Voilà pourquoi le gouvernement a retenu cette solution en particulier.

La décision n'a certainement pas été prise au petit bonheur, comme le laisse entendre mon honorable collègue, dans un aéroport ou au téléphone. Il s'agit d'une question très grave, mon collègue en conviendra. Le ministre des Finances, le premier ministre de la Nouvelle-Écosse, le premier ministre du Nouveau-Brunswick et le premier ministre de Terre-Neuve ont tous pris ces négociations au sérieux. Je crois qu'ils méritent d'être félicités.

La Santé

La sécurité de l'approvisionnement sanguin-La position du gouvernement

L'honorable Richard J. Doyle: Honorables sénateurs, il y a près d'un an, j'ai posé au leader du gouvernement au Sénat certaines questions sur les intentions du Cabinet à l'égard de la crise croissante de l'approvisionnement en sang au Canada. Comme ces questions n'étaient pas seulement pour la forme, j'ai été soulagé d'entendre madame le leader du gouvernement répondre que les questions étaient manifestement urgentes et qu'elle s'efforcerait d'y obtenir rapidement une réponse.

Comme je m'en suis plaint en novembre dernier, la réponse n'est pas venue rapidement et consistait principalement en assurances que tout irait bien une fois que M. le juge Horace Krever aurait déposé le rapport final de la Commission d'enquête sur le système canadien du sang. Toutefois, le dépôt de ce rapport a été retardé. Comme je l'ai expliqué dans les questions que j'ai posées le 28 mars au leader du gouvernement, il y a eu des procès pour contester le droit de la commission de recommander des changements ou d'éliminer des risques, ou même de porter des blâmes pour les tragédies qui sont survenues.

(1540)

Nous, de ce côté-ci du Sénat, espérions à ce moment-là que le gouvernement profiterait de l'occasion pour nous informer et assurer aux Canadiens qu'il allait faire tout son possible pour que le juge Krever soit appuyé dans ses efforts pour présenter «un rapport complet sur les horreurs révélées par des témoins».

Madame le leader du gouvernement a alors fait remarquer qu'un nouveau ministre était en place au portefeuille de la Santé et que des discussions avec les principaux intervenants débuteraient le mois suivant. On a annoncé que cette rencontre est prévue pour jeudi de cette semaine, mais rien n'a été dit de la position que le gouvernement libéral prendra pour appuyer le juge Krever et répondre à l'angoisse de la population en général dans ce qui constitue sans doute la plus grave crise de confiance qu'ait à affronter le gouvernement depuis les élections de 1993.

Madame le leader du gouvernement saura que je n'ai jamais fait une confiance aveugle aux sondages. En tant que journaliste et politicien, je considère ces contacts avec la population en général comme des exercices intéressants, mais à peu près aussi utiles que des prévisions météorologiques de Radio-Canada sur la probabilité qu'il neige à Noël. Mais les sénateurs voudront peut-être savoir autant que moi si madame le leader partage notre inquiétude par suite des résultats d'un sondage Gallup mené auprès de 1 007 Canadiens et parrainé par une entreprise pharmaceutique. Les résultats qui ont été annoncés la semaine dernière révèlent que 7 p. 100 seulement des Canadiens sont prêts à recevoir du sang fourni par la Croix-Rouge et que73 p. 100 seraient inquiets si leur enfant avait besoin d'une transfusion.

Quelles garanties va-t-on nous donner? Mettra-t-on au point un plan d'urgence pour rétablir la confiance de la population? Quelles garanties avons-nous que les autorités fédérales vont aider les provinces à réduire l'anxiété qui va régner tant qu'on ne fera pas toute la lumière sur le déclin et le scandale du service du sang?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, mon honorable collègue a formulé sa question avec soin, et je comprends ses déceptions. Compte tenu des résultats de ce sondage éclair, on ne peut que s'inquiéter de la confiance que les Canadiens portent à ce qui a été, pendant bien longtemps, une véritable institution dans notre pays.

Comme mon honorable collègue le sait, l'enquête très importante sous la direction du juge Krever se poursuit. Des rapports provisoires ont été publiés, et nous attendons le rapport final. Le sénateur a souligné que le nouveau ministre fédéral de la Santé a invité les principaux intéressés à participer à des discussions sur cette question. Le ministre a déclaré qu'il fait cela parce qu'il estime impérieux de rétablir la confiance de la population envers le système d'approvisionnement en produits sanguins. Il tente de faire un certain travail préparatoire pour pouvoir agir rapidement lorsque la Commission Krever rendra public son rapport final.

Je suis certaine que les honorables sénateurs suivront les discussions avec intérêt. Je ferai de mon mieux pour tenir le sénateur au courant de toute information qui me sera communiquée relativement à tout accord ou plan d'action faisant suite à ces discussions.

La taxe sur les produits et services

Son harmonisation avec les taxes de vente provinciales-L'offre faite à certaines provinces-La position du gouvernement

L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, ma question a trait à la TPS. Je pense que personne dans les provinces de l'Atlantique ne devrait s'offusquer de recevoir une subvention d'un milliard de dollars. Je pense que la population du Canada devrait plutôt être insultée par le fait que la suppression de la TPS a été remplacée par l'harmonisation de la TPS.

Honorables sénateurs, je note avec intérêt que le leader du gouvernement au Sénat tente d'avancer des arguments en faveur de l'extension par les provinces de l'assiette de leur taxe de vente. C'est ça que signifie le mot «harmonisation». Au lieu d'avoir une taxe fédérale sur les produits et services, nous aurons maintenant une taxe provinciale sur les produits et services et nous allons appeler cela «l'harmonisation». Peu importe comment on l'appellera, c'est une taxe.

Madame le leader du gouvernement dit des choses intéressantes que les libéraux n'arrivaient pas à comprendre quand la TPS a été créée, il y a quelques années. Aujourd'hui, elle parle de coûts d'intrants et de réduction des barrières commerciales ou, autrement dit, de possibilités accrues pour les fabricants. Il a fallu aux libéraux huit ans pour le comprendre, et je pense qu'ils l'ont enfin compris.

Ce que je ne comprends pas dans cet argument, c'est que si cette proposition est faite à toutes les provinces, est-elle faite aussi à la province d'Ontario et à la province de Québec? Cette offre d'avantages prolongés en contrepartie de l'adoption de la TPS par les provinces, qui vise à éviter à la vice-première ministre de démissionner à cause de l'application de la TPS dans les provinces, est-elle faite à toutes les provinces ou seulement à quelques-unes?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, comme je l'ai dit plus tôt, le programme d'harmonisation a été offert à toutes les provinces de façon continuelle depuis pas mal de temps. Il y a une formule qui s'applique et aux provinces qui harmoniseront leur taxe maintenant et à celles qui le feront plus tard. La formule qui s'applique maintenant aux provinces de l'Atlantique s'appliquera tout aussi bien aux autres.

Le sénateur a parlé du Québec. Certes, le Québec a procédé à l'harmonisation sur une période de six ans. À ma connaissance, l'harmonisation sera terminée cette année. C'est la seule province du pays à avoir adopté cette voie.

En ce qui concerne les autres provinces, certaines seront admissibles à la formule des ajustements transitoires, comme dans le cas du Manitoba et la province du sénateur. Pour d'autres, la formule ne conviendrait pas et d'ailleurs les provinces n'en ont pas besoin. Je compte que le sénateur incitera le gouvernement de la Saskatchewan à profiter de...

(1550)

Le sénateur Berntson: Bonne chance! Il y a déjà eu des tentatives, mais elles ont toutes échoué.

Le sénateur Fairbairn: ... cette offre et des avantages qu'elle pourrait procurer à sa province.

Son Honneur le Président pro tempore: Je constate, honorables sénateurs, que la période des questions de 30 minutes est maintenant écoulée. Y a-t-il consentement unanime pour qu'elle se poursuive?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président pro tempore: Il n'y a pas consentement unanime. La période des questions est terminée.


ORDRE DU JOUR

Projet de loi sur la Commission du droit du Canada

Deuxième lecture

L'honorable Landon Pearson propose: Que le projet deloi C-9, Loi concernant la Commission du droit du Canada, soit lu une deuxième fois.

- Honorables sénateurs, j'ai aujourd'hui le privilège d'intervenir dans le débat sur le projet de loi C-9. À mon avis, ce projet de loi a une grande importance, qui dépasse les avantages qu'il apporte. En créant une commission pour le conseiller sur les améliorations à apporter au droit canadien et sur la modernisation du système bijuridique canadien, ce projet de loi démontre on ne peut mieux que le gouvernement réagit de mieux en mieux aux exigences de la population.

L'ancienne Commission de réforme du droit du Canada, que la nouvelle remplacera, avait été créée en 1971, mais ses structures étaient telles qu'elle a été dominée par la profession juridique et son establishment universitaire. La loi exigeait qu'au moins deux tiers des membres de la commission possèdent une solide expérience comme juges ou avocats, et ils étaient nommés à temps plein.

La réforme était donc dirigée par la profession juridique elle-même. En outre, puisque la majorité de ses membres étaient nommés à temps plein, elle travaillait la majeure partie du temps à Ottawa. Sans les outils de communications informatisés d'aujourd'hui, la Commission restait centrée sur Ottawa. Le gouvernement lui accordait chaque année plus de cinq millions de dollars.

Pourtant, en dépit de tels investissements, les données historiques laissent supposer que les gouvernements successifs n'ont pas utilisé les services de la Commission de réforme du droit aussi bien que ce que l'on aurait pu penser. En 1985, le vérificateur général soulignait l'importance accrue des questions de réforme du droit et faisait remarquer que la commission elle-même «n'était pas satisfaite de son influence sur les modifications législatives». Le problème a persisté jusqu'en 1992. À ce moment-là, les pressions économiques exigeaient des compressions témoignant de détermination. Le gouvernement de l'époque a donc décidé d'éliminer beaucoup des organismes de réflexion, des offices et des commissions qu'il finançait. La commission était du nombre.

Cette mesure de réduction des coûts a subitement privé le Canada d'un organisme national indépendant capable d'évaluer les besoins de façon objective et de faire des recommandations concernant la réforme du droit. Cela s'est produit au moment précis où des forces sociales et technologiques dynamiques et la perspective de changements majeurs de la politique gouvernementale illustraient clairement la nécessité d'avoir un organisme indépendant de ce type. À cette étape, certains domaines du droit étaient déjà désuets et inadéquats.

Honorables sénateurs, pendant la même période l'étude et la pratique du droit ont subi une transformation fondamentale. On pourrait décrire cette transformation comme un assouplissement des paramètres du droit pour englober la richesse des approches interdisciplinaires. Ainsi, à la fin des années 80, les professeurs de la faculté de droit de l'Université de Toronto enseignaient et faisaient des recherches dans des domaines comme le travail social, la criminologie, l'histoire, les sciences politiques, la gestion, la sociologie, la médecine, l'économie, les relations de travail et même les classiques. Cela montre à quel point les divers secteurs de la société sont de plus en plus interdépendants et que le droit est un élément vivant de la communauté qui doit répondre aux besoins humains pour contribuer à la vitalité de la société.

On constate également que le droit de la famille a subi des transformations remarquables pour s'adapter aux besoins nouveaux. Les tribunaux reconnaissent maintenant que la vie familiale au Canada est caractérisée par une variété complexe d'expériences et d'antécédents culturels. Ils reconnaissent également, et cela m'intéresse beaucoup, que les enfants ont le droit de se faire entendre au sujet des choses qui les concernent directement.

La préparation du récent projet de loi sur les pensions alimentaires reflète cette conception élargie. Dans ce cas, on a consulté non seulement les groupes d'intérêts parentaux mais aussi des psychologues pour enfants, des sociologues, des médecins, des économistes, des spécialistes du droit de la famille, des fiscalistes, des travailleurs sociaux et, bien entendu, Revenu Canada.

Tous les intervenants du processus législatif se rendent compte de plus en plus que le droit est un élément intrinsèque et vivant de la société et qu'il trouve sa force non pas dans la rigidité, mais dans la souplesse.

Le Parti libéral n'était pas content lorsque la Commission de réforme du droit a été abolie. Il a juré dans le livre rouge de la rétablir. Après l'arrivée au pouvoir du gouvernement libéral, le ministère de la Justice a entamé un processus de consultations intensives à cette fin. Il a distribué à environ 900 groupes et particuliers un document sur la création d'une nouvelle commission de réforme du droit, demandant leur avis aux milieux juridiques et non juridiques. Ce document a également été distribué à tous les députés afin qu'ils fassent part de leurs

commentaires. Un résumé des réponses reçues d'un peu partout à travers le pays a été distribué et des consultations parallèles ont été entreprises auprès des membres de la magistrature. Enfin, en 1994, le ministre a invité des membres du monde juridique et du monde universitaire de diverses régions du pays à apporter une contribution supplémentaire à ces délibérations. Le résultat, honorables sénateurs, c'est le projet de loi C-9.

Je ferai remarquer certains points dans le projet de loi C-9 qui témoignent d'un effort délibéré en vue de créer une institution mieux adaptée aux besoins du public.

Le préambule énonce les principes dont la Commission devrait s'inspirer dans l'accomplissement de sa mission. Ces principes sont les suivants:

Tous les Canadiens peuvent participer aux travaux de la commission, et les résultats de ceux-ci sont accessibles et intelligibles;

La commission adopte, dans le cadre de ses travaux, une approche multidisciplinaire qui situe le droit et le système judiciaire dans leur contexte socioéconomique;

La commission fait preuve d'ouverture et de discernement en collaborant et en s'associant avec un large éventail de groupes et d'individus intéressés;

Dansune perspective d'efficacité, la commission met à profit la technologie de pointe lorsqu'elle le juge à propos et innove dans ses méthodes de recherche et de gestion, son processus de consultation et ses moyens de communication;

Lorsqu'elle formule des recommandations, la commission prend en compte leur coût et leurs conséquences pour les groupes et individus touchés.

Ce sont là les principes que la commission est chargée d'appliquer et en vertu desquels elle sera évaluée.

La commission ne comptera qu'un seul cadre à plein temps, le président, et quatre commissaires à temps partiel qui devront refléter la nature bijuridique du droit au Canada et pourront provenir de milieux différents.

Le projet de loi précise que:

Les commissaires devraient représenter les intérêts socioéconomiques et culturels divers du Canada, provenir de disciplines variées et avoir collectivement une connaissance des deux systèmes juridiques au Canada, le droit civil et la common law.

Si la plupart des commissaires sont à temps partiel, c'est pour que ces personnes soient capables de rester dans leur collectivité respective et de garder leur travail. Ce sera d'autant plus facile que la nouvelle commission a précisément pour mandat d'utiliser la nouvelle technologie dans ses processus de consultation.

La nouvelle commission aura un conseil consultatif interdisciplinaire de 24 membres, qui contribueront à ses délibérations par leur éventail de points de vue fondés sur diverses origines et compétences. Le conseil comptera aussi parmi ses membres des gens de l'extérieur des milieux juridiques. Bien sûr, le projet de loi précise que, collectivement, ses membres doivent refléter la diversité du pays et représenter les diverses disciplines pertinentes aux questions de réforme, avoir une bonne connaissance du droit civil et de la common law et respecter la nature bijuridique du droit canadien. Ses membres agiront au sein du Conseil consultatif à titre de bénévoles non rémunérés et seront nommés par la commission, non par le gouvernement.

En outre, la commission créera des groupes d'études formés de spécialistes de disciplines pertinentes et de groupes intéressés, qui seront chargés d'examiner toute question qui sera soulevée. Autrement dit, la nouvelle commission ne compte pas seulement sur ses propres chercheurs à plein temps, mais tirera parti de l'ensemble des compétences disponibles dans le pays. Utilisant la nouvelle technologie, les membres des groupes d'études peuvent communiquer par voie électronique et éviter ainsi les frais de déplacement. Ce sera donc plus facile d'obtenir les services de spécialistes très en vue, qui sont souvent très pris par leur propre carrière, si l'on a besoin d'eux sur une question particulière.

Les membres des groupes d'études prêtent leur concours sans être rémunérés. Une fois leur travail terminé, les groupes d'étude seront dissous et il ne restera aucun coût permanent.

(1600)

Honorables sénateurs, l'injonction qui force la commission à utiliser la technologie de pointe dépasse largement la seule efficience. C'est aussi une question d'accès, car, grâce à la nouvelle technologie, les Canadiens, qui jusqu'à maintenant n'avaient pas accès au processus de réforme du droit, auront maintenant une fenêtre ouverte sur l'élaboration et la révision des lois. Cela permettra de démystifier et de démocratiser un fief professionnel et d'accroître l'obligation de reddition de comptes de la commission.

Il est certain que la nouvelle Commission du droit du Canada sera responsable devant le Parlement. Le ministre sera tenu de déposer tous les rapports produits par la commission et sa réponse à ces rapports. La commission devra faire état annuellement de ses activités et de ses finances et elle sera soumise à une vérification du vérificateur général du Canada chaque fois qu'un tel examen sera justifié.

Enfin, honorables sénateurs, le projet de loi constitue la commission en personne morale. C'est très significatif, car cette désignation permettra à la nouvelle commission de financer ses opérations et en recouvrant ses coûts, c'est-à-dire en vendant ses études et ses publications et en trouvant d'autres sources de revenus; elle ne sera donc pas entièrement financée par le gouvernement. Ainsi, la commission jouira d'une certaine autonomie, ce qui n'était peut-être pas le cas de son prédécesseur.

Un élément prometteur de cette mesure législative, c'est qu'elle oblige la commission à introduire, dans le système juridique, l'efficacité et les innovations interdisciplinaires qu'elle devra s'imposer à elle-même.

Honorables sénateurs, la nouvelle Commission du droit du Canada s'occupera avant tout de l'élaboration de nouvelles approches. Antérieurement, la réforme du droit donnait lieu à une multiplication du nombre de lois et de modifications de ces lois. On ne se préoccupait pas suffisamment du fardeau financier des contribuables et du fardeau bureaucratique.

Toutefois, l'objectif de la nouvelle Commission du droit du Canada n'est pas seulement d'éviter d'augmenter le fardeau, mais bien de l'alléger. Comme le dit le projet de loi, parmi les objectifs de la commission figurent ceux:

d'élaborer de nouvelles perspectives et de nouveaux concepts juridiques;

d'instituer des mesures qui rendent le système juridique plus efficace, plus économique et plus accessible.

Honorables sénateurs, en créant un organisme qui réponde à des besoins pressants, cette mesure législative montre que le gouvernement a été extrêmement imaginatif dans ses efforts pour être transparent et se rendre accessible à la population canadienne. La nécessité pour la commission d'utiliser de nouvelles technologies, son recours au partenariat et aux approches interdisciplinaires, sa dépendance à l'égard des services bénévoles de conseillers et de membres de secteurs pertinents de la société, et sa rentabilité en font un excellent exemple des changements qui se produisent au gouvernement. Celui-ci cherche des solutions efficaces aux besoins de la société, au fur et à mesure qu'ils se présentent.

Je suis heureuse d'appuyer le projet de loi C-9 en raison de toutes ces caractéristiques et parce que c'est un modèle pour un gouvernement plus responsable et plus innovateur dans ce pays.

L'honorable William M. Kelly: Honorables sénateur, je me réjouis de l'occasion qui m'est donnée de parler du projet de loi C-9. En 1992, j'ai pris la parole à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi d'ensemble qui a aboli un certain nombre d'organismes dont la Commission de réforme du droit, comme on disait à l'époque.

La décision d'inscrire la Commission de réforme du droit sur la liste des organismes devant être liquidés en 1992 se voulait une initiative visant à contrer les pressions financières que nous subissions alors et qui, à mon avis, subsistent toujours. Qui plus est, dans le cas particulier qui nous occupe, la Commission de réforme du droit, les choses ne s'étaient pas bien passées lors d'une vérification du rendement menée par le vérificateur général du Canada, comme on peut le constater dans son rapport de 1985 et comme en témoigne un rapport de suivi publié deux ans plus tard.

Le vérificateur général avait alors formulé de sérieuses réserves quant à la gestion financière et au contrôle internes au sein de la Commission de réforme du droit. Le vérificateur général faisait observer que la loi qui était alors en vigueur exigeait de l'organisme qu'il soumette ses programmes de recherche au ministre de la Justice pour qu'ils fassent l'objet d'une étude, ce qui n'avait pas été fait depuis plus de 10 ans. Le vérificateur général a également fait ressortir que la Commission de réforme du droit n'avait pas révisé son programme initial de recherche depuis sa création en 1972.

Je me rends compte que le projet de loi C-9 comporte un certain nombre de modifications au cadre juridique et aux liens de responsabilité de la Commission de réforme du droit. Ces mesures ont été prises, nous dit-on, pour éviter la répétition de ces problèmes. Certaines de ces modifications sont le résultat des audiences de comité et des rapports de comité de l'autre Chambre. Je ne peux qu'espérer que, loin de répéter les erreurs du passé, nous avons tiré les leçons qui s'imposaient.

Sur une plus vaste échelle, il y a toute la question de la responsabilité ministérielle, qu'elle soit individuelle ou collective. La responsabilité ministérielle est essentielle au bon fonctionnement de notre régime parlementaire doté d'un Cabinet formé par le parti gouvernemental. La responsabilité ministérielle c'est essentiellement ce qui délimite la chaîne de responsabilité envers le Parlement pour les dépenses des deniers publics et la conduite des affaires du gouvernement.

Si la responsabilité ministérielle est mise en morceaux, adieu gouvernement responsable.

Comme le savent les étudiants en administration publique, l'exercice de la responsabilité ministérielle a atteint son apogée dans l'affaire Critchel Down, en Grande-Bretagne, le ministre de l'Agriculture se sentant tenu de démissionner de son poste à la suite d'une erreur administrative commise par un de ses fonctionnaires. Honorables sénateurs, on sait que les choses se sont dégradées depuis.

Je suis très inquiet des récentes tentatives faites par plusieurs ministres pour ne pas assumer la responsabilité de mesures prises au sein de leurs ministères ou de sociétés d'État ou organismes dont ils sont responsables envers le Parlement. Je vous demande un peu de patience. Il y a un lien. Je me reporte, par exemple, à l'actuel ministre de la Défense dans l'enquête sur la Somalie. Je me reporte également au solliciteur général du Canada, qui évite sans cesse d'assumer ses responsabilités pour la conduite ou les activités du Service canadien du renseignement de sécurité, le SCRS, malgré l'article 6 de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité où on dit:

Sous la direction du ministre, le directeur est chargé de la gestion du Service et de tout ce qui s'y rattache.

Je veux parler également du ministre de la Justice et procureur général du Canada, qui n'assume aucune responsabilité face à certaines requêtes écrites présentées aux autorités suisses au sujet d'un ancien premier ministre. Si on appliquait le test Critchel Down à n'importe laquelle de ces situations, je ne vois pas comment les ministres concernés pourraient survivre. Cependant, permettez-moi de préciser ma pensée. L'érosion de la responsabilité ministérielle n'a pas commencé avec ce gouvernement. C'est un processus progressif et pernicieux qui s'est étendu sur plusieurs gouvernements et plusieurs décennies.

Beaucoup d'entre vous se rappellent sûrement les très graves problèmes que le gouvernement de l'époque a éprouvés avec les sociétés d'État à la fin des années 70 et au début des années 80. Après avoir étudié la situation pour le nouveau gouvernement, en 1984, mes collègues et moi-même avons conclu que l'une des principales lacunes résidait dans le fait que les sociétés d'État n'avaient pas de comptes à rendre, qu'il n'y avait pas de responsabilité ministérielle. Les cadres supérieurs de nombreuses sociétés d'État ne considéraient pas qu'ils étaient comptables envers les conseils d'administration. Ces derniers ne savaient pas au juste à qui ils devaient rendre des comptes et ils ignoraient exactement leurs rôle et responsabilités. Enfin, les ministres refusaient sans cesse d'assumer la responsabilité des opérations et du rendement des sociétés d'État et ce, malgré les dispositions de la Loi sur la gestion des finances publiques qui existent encore à l'heure actuelle et selon lesquelles les sociétés d'État doivent, en fait, rendre des comptes au Parlement par l'entremise d'un ministre désigné. En fait, les sociétés d'État ne rendaient des comptes à personne, même si elles absorbaient beaucoup de deniers publics et constituaient des éléments importants de politique publique.

Qu'est-ce que cela a à voir avec le projet de loi C-9? Au départ, je crois qu'il nous incombe, lorsque nous examinons un projet de loi comme celui-ci, qui va créer une nouvelle organisation, de nous assurer que la nouvelle organisation est nécessaire et, ensuite, que la structure de cette organisation ne réduit pas de façon déraisonnable ou inutile la responsabilité du ministre à l'égard du Parlement.

Avec ces critères à l'esprit, évaluons le projet de loi C-9.

La Commission du droit du Canada que le projet de loi C-9 doit créer est, bien entendu, un organisme consultatif prenant la forme juridique d'une société d'État. Pour moi, cela pose déjà un problème, car par définition et comme le gouvernement l'a laissé entendre, cet organisme consultatif est indépendant. Or, les organismes consultatifs servent, pour ainsi dire, de paratonerres en ce qui a trait aux politiques gouvernementales; elles peuvent lancer des idées ou des propositions auxquelles le ministre et le gouvernement peuvent souscrire ou dont ils peuvent se dissocier au besoin. Il y a donc déjà une dichotomie. Une organisation peut-elle être indépendante si, en même temps, elle dépend des fonds publics et elle est assujettie aux conventions de la responsabilité ministérielle, ainsi qu'à des contrôles financiers raisonnables de la part du gouvernement?

D'une part, le gouvernement vante les mérites d'une Commission du droit du Canada qui soit indépendante. D'autre part, il soutient que la nouvelle Commission du droit du Canada sera assujettie à un certain nombre de mesures de contrôle en ce qui a trait à son budget et à ses orientations. Je dois me poser la question : un tel paradoxe peut-il fonctionner?

Comment des organismes consultatifs indépendants comme celui-ci cadrent-ils avec l'esprit de la responsabilité ministérielle? Comment un organisme peut-il être indépendant tout en étant responsable devant le Parlement par l'entremise du ministre? À mon avis, ces problèmes soulèvent une question accessoire, mais fondamentale. Avons-nous réellement besoin d'un organisme consultatif indépendant pour remplir cette fonction?

Depuis que la première Commission de réforme du droit a été dissoute, cette fonction a été exercée par la Division de réforme du droit du ministère de la Justice. Si je comprends bien, la division s'est acquittée de la majeure partie de ses activités en retenant les services d'autorités indépendantes du secteur privé. Il me semble que nous avons besoin de preuves convaincantes que cette forme d'activité ministérielle s'est révélée insatisfaisante ou de loin inférieure à la forme d'organisme consultatif indépendant qui est envisagée dans le projet deloi C-9. Autant que je sache, nous n'avons encore obtenu aucune preuve ni justification à cet égard.

(1610)

Ce qui domine tout cela, bien sûr, c'est notre situation financière qui continue d'être difficile. Avant d'engager de nouvelles dépenses - nous parlons ici d'environ 3 millions de dollars - nous devons nous assurer qu'elles sont nécessaires et qu'elles seront faites dans un souci d'économie, d'efficacité et de rentabilité.

Selon le gouvernement, la Commission du droit du Canada dont il propose la création comprendra des commissaires à temps partiel et un petit secrétariat. Les travaux de la commission se feront avec l'aide

«de recherchistes de l'extérieur, optimisant ainsi les ententes conjointes, la collaboration et les partenariats, notamment avec le milieu universitaire». Elle recourra à «des perspectives novatrices, y compris à de nouvelles technologies de l'information». D'après moi, cela soulève une sérieuse question : Pourquoi la structure actuelle du ministère ne permettrait-elle pas de faire tout cela? Est-il vraiment nécessaire d'établir un nouveau conseil consultatif indépendant? Est-ce vraiment la façon la plus économique et efficace de remplir cette fonction?

J'en arrive maintenant à une question connexe, mais analogue. Le projet de loi C-9 prévoit la constitution de la Commission du droit du Canada en tant qu'établissement public mentionné à l'annexe II de la Loi sur la gestion des finances publiques. Le gouvernement déclare qu'en raison de ce statut, il y aura des contrôles financiers et une obligation de rendre compte qui manquaient à l'ancienne Commission de réforme du droit. Encore une fois, il y a une dichotomie entre le contrôle financier efficace et un organisme consultatif dit indépendant.

Toutefois, le gouvernement a fourni une autre justification pour ce statut d'établissement public mentionné à l'annexe II. Il s'agit d'encourager les dons venant de sources externes, des secteurs privé et bénévole et de générer des recettes de la vente de rapports annuels et d'autres publications. Nous savons tous que le Groupe Communication Canada vend les publications gouvernementales. Cette justification du statut indépendant me semble donc peu solide. De plus, comment peut-on dire que des dons viendront de sources externes? Je doute qu'il y en ait beaucoup.

Bien sûr, si on lui fournit des dons privés, aussi modestes soient-ils, la commission pourra s'en servir pour échapper aux contrôles financiers du gouvernement et éviter de rendre des comptes. Nous avons déjà vu cela de la part de sociétés d'État.

Honorables sénateurs, je voudrais boucler la boucle à ce sujet. Je crains que le projet de loi C-9 ne serve qu'à nous ramener en arrière. Je ne trouve rien à redire au fait que le gouvernement puisse vouloir obtenir en matière de réforme du droit des conseils qui, pour reprendre les paroles du gouvernement, reflètent un esprit d'ouverture, d'inclusion, de réceptivité et d'innovation de même qu'une approche multidisciplinaire. Je trouve cependant à redire à la supposition, semble-t-il, que ces conseils ne peuvent venir que d'un organisme indépendant, même si le véritable travail de cet organisme sera effectué en sous-traitance par des spécialistes n'appartenant pas à la fonction publique.

Il n'y a pas si longtemps, nous nous sommes plongés dans d'énormes difficultés en créant bon gré mal gré des sociétés d'État et d'autres organismes indépendants. À un moment donné, nous ne savions même pas combien il y avait de ces organismes. Il s'est révélé qu'il y en avait plus de 400. Étant donné ces antécédents et notre situation actuelle difficile et étant donné que ces organismes évoluent dans un vacuum de responsabilité ministérielle, nous devons nous montrer très prudents. Nous devons examiner attentivement si les avantages l'emportent sur les coûts et si les fonctions ne pourraient pas être remplies aussi bien et aussi efficacement au sein du ministère. Dans le cas de la Commission du droit du Canada dont le projet de loi propose la constitution, la preuve reste à faire sur ces deux points. L'analyse n'a peut-être pas été faite.

Honorables sénateurs, le ministre des Finances, M. Martin, s'est engagé dans un processus de gestion budgétaire rigoureuse, réduisant ou abolissant des programmes, coupant les paiements de transfert, réduisant complètement les fonds consacrés à la recherche, abolissant, fusionnant ou privatisant les sociétés d'État et les organismes existants, enlevant des activités aux sociétés d'État et aux organismes pour les confier aux ministères, et ainsi de suite. Je pense que le ministre des Finances est sur la bonne voie et mérite notre appui. Si cette proposition est acceptée, je ne comprends vraiment pas pourquoi, malgré le programme d'austérité budgétaire du ministre des Finances, il serait raisonnable de créer la Commission du droit du Canada. D'après ce que j'ai vu ici, il n'y a aucune raison de revenir en arrière et de créer un autre organisme indépendant. À moins que le gouvernement ne nous prouve le contraire de façon convaincante, je ne vois franchement pas comment le Sénat pourrait approuver ce projet de loi en toute bonne foi.

L'honorable Finlay MacDonald: Honorables sénateurs, je me retrouve dans une position étrange, car j'ai fait partie du comité dont le sénateur Kelly a parlé, et j'ai voté à l'époque contre l'abolition de la Commission de réforme du droit aussi bien au comité qu'au Sénat. On n'avait pas besoin d'être grand clerc pour savoir que la commission serait rétablie un jour ou l'autre.

L'expression «commission du droit» et le titre de la commission qui a été abolie, «Commission de réforme du droit» méritent un peu plus d'explications, sénateur Pearson. Y a-t-il une différence significative entre les deux?

J'ai essayé de prendre des notes pendant l'intervention de madame le sénateur. Elle a parlé de l'élaboration de nouvelles notions de droit. Cela fait penser à la réforme du droit. Elle a parlé aussi de faire et de remanier des lois. N'est-ce pas de la réforme? N'est-ce pas le domaine du ministère de la Justice?

Certaines choses paraissent très curieuses. Il est ridicule de prétendre, comme le sénateur Kelly l'a fait, qu'un petit service du ministère de la Justice peut faire le travail de la Commission de réforme du droit et l'a fait au cours des deux dernières années. Impossible. On ne peut faire relever la réforme du droit du ministère de la Justice et espérer avoir des résultats.

L'honorable sénateur pourrait-il m'en dire un peu plus sur cette proposition? La vaste participation semble une excellente idée. L'organisme élaborera-t-il des lois? Lorsque le sénateur parle d'obligation de rendre compte, qui rendra des comptes, exception faite du ministre? Ce ne saurait être cet organisme. L'honorable sénateur pourrait-il éclairer nos lanternes?

Le sénateur Pearson: Honorables sénateurs...

Son Honneur le Président pro tempore: Si l'honorable sénateur Pearson prend maintenant la parole, cela aura pour effet de mettre un terme au débat sur la motion.

Le sénateur Pearson: Je dois dire à l'honorable sénateur que, comme lui, j'ai demandé à ceux qui me breffaient la différence entre «commission du droit» et «commission de réforme du droit».

Les questions soulevées par les sénateurs MacDonald et Kelly sont utiles. J'espère que nous les poserons aux témoins qui comparaîtront devant nous.

Je crois comprendre qu'en supprimant le mot «réforme», on veut simplement faire ressortir le mandat un peu plus vaste de la commission. Celle-ci examinerait donc les concepts mêmes des lois. C'est peut-être beaucoup dire, je ne sais trop. Néanmoins, je crois comprendre que c'est pour cela qu'on a décidé de supprimer le mot «réforme».

À l'instar du sénateur MacDonald, j'espère apprendre durant les délibérations de notre comité ce que tout cela signifie au juste.

(La motion est adoptée, et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, quand le projet de loi sera-t-il lu une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Pearson, le projet de loi est renvoyé au comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.)

Le discours du Trône

Motion d'adoption de l'Adresse en réponse-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Bacon, appuyée par l'honorable sénateur Rompkey, tendant à l'adoption d'une Adresse à son Excellence le Gouverneur général en réponse au discours qu'il a prononcé lors de l'ouverture de la deuxième session de la trente-cinquième législature. - (4e jour de la reprise du débat)

L'honorable Richard J. Stanbury: Honorables sénateurs, c'est avec plaisir que je participe au débat sur le discours du Trône. Tout d'abord, je tiens à féliciter les sénateurs Bacon et Rompkey pour les excellents discours qu'ils ont prononcés en proposant et en appuyant la motion d'adoption de l'Adresse en réponse au discours du Trône. À mi-chemin du mandat du gouvernement, je suis heureux de pouvoir jeter un regard sur ce qu'il a accompli et sur ce qu'il prévoit faire.

(1620)

Le gouvernement est arrivé au pouvoir avec un plan précis. Il avait deux grands mandats: rétablir la confiance de la population dans l'honnêteté et l'intégrité du gouvernement et redonner du travail aux Canadiens.

L'éthique et l'intégrité du gouvernement sont deux qualités auxquelles nous accordons tous beaucoup d'importance. Au cours de la dernière législature, j'ai eu l'honneur de coprésider le Comité spécial mixte sur les conflits d'intérêts. Lorsque notre comité a été formé, en 1992, les Canadiens avaient été échaudés par la parade des ministres conservateurs contraints de démissionner en raison de conflits d'intérêts. Depuis, les révélations contenues dans des livres comme On the Take, par Stevie Cameron, ont ébranlé la confiance du public dans l'intégrité du système politique et cela se répercute sur nous tous.

Avec le gouvernement actuel, cette période sombre a pris fin. Le premier ministre a établi le processus d'examen le plus exigeant jamais imposé à des ministres. Lui-même et tous les membres du gouvernement sont soumis aux plus hautes normes d'honnêteté, d'intégrité et d'éthique. Comme le premier ministre l'a déclaré à l'autre endroit en réponse au discours du Trône:

On peut être d'accord ou pas avec nos politiques, mais après plus de deux ans au pouvoir, personne ne peut mettre en doute l'honnêteté et l'intégrité de notre gouvernement et de ses ministres. Personne.

Jeffrey Simpson a cité cette déclaration dans un article du Globe and Mail, le 29 février. Il félicitait le premier ministre de restaurer l'éthique et l'intégrité au sein de notre gouvernement. Je fais miennes les paroles de M. Simpson. Les gens qui ont consacré leur vie au service du public peuvent à nouveau se présenter la tête haute devant la population canadienne.

Toutefois, bien que la foi dans l'intégrité du gouvernement soit fondamentale, l'économie demeure la principale préoccupation des Canadiens. Depuis le début de son mandat, le gouvernement a surtout mis l'accent sur l'amélioration de l'économie. Lorsque le gouvernement actuel est entré en fonctions, l'économie nationale était en pleine débandade. Le déficit devenait incontrôlable, le chômage dépassait les 10 p. 100 depuis plusieurs années, des entreprises faisaient faillite et un nombre record d'usines fermaient leurs portes. L'économie canadienne ne fonctionnait tout simplement pas, et les Canadiens le savaient.

Chacun reconnaissait qu'il fallait avant tout résorber le déficit. Le gouvernement actuel s'est fait élire grâce à son plan de relance économique annoncé dans le livre rouge, qui proposait ce qui suit:

Dans la conjoncture actuelle, un gouvernement libéral se fixera un objectif réaliste: réduire le déficit fédéral à l'équivalent de 3 p. 100 du PIB avant la fin de la troisième année de son mandat.

Le gouvernement avait proposé ce plan à la population canadienne et il l'a appliqué. D'ici la fin de la nouvelle année financière, le gouvernement aura réduit le déficit, qui était de5,2 p. 100 à son entrée en fonctions, à 3 p. 100 du produit intérieur brut. Il a réitéré sa détermination de ramener le déficit à 2 p. 100 du produit intérieur brut d'ici la fin de 1997-1998.

Le déficit est-il disparu? Bien sûr que non. Il n'y a pas de baguette magique pour cela, mais le gouvernement est dans la bonne voie. J'ajoute que c'est là le premier gouvernement en dix ans qui ait réussi à y rester et à maintenir son plan de réduction du déficit. Contrairement aux conservateurs, dont la seule qualité était la constance avec laquelle ils rataient leur cible pour la réduction du déficit, le gouvernement actuel a respecté son plan et tenu ses promesses.

Réduire le déficit, c'est nécessaire pour assurer la reprise économique du Canada, mais ce n'est pas suffisant. Quand j'ai pris la parole en réponse au discours du Trône, il y a deux ans, j'avais dit que le gouvernement ne devait pas chercher à réduire le déficit sans investir parallèlement dans la croissance économique. J'avais insisté sur l'importance d'investir dans l'infrastructure de notre pays, afin d'établir l'avenir du Canada sur des bases solides, dans l'intérêt de nos petits-enfants et de leurs petits-enfants qui viendront.

Depuis son arrivée au pouvoir, ce gouvernement a annoncé ou approuvé la réalisation de plus de 11 485 projets d'infrastructure à travers le Canada. Ces projets représentent 6,3 milliards de dollars, dont une contribution du gouvernement fédéral de1,9 million de dollars. Pierre Franche, le président de l'Association des ingénieurs-conseils a qualifié ce programme d'encouragement pour toute l'industrie.

À part l'objectif immédiat de créer des emplois, ce programme d'infrastructure a eu un autre avantage. Il a réussi à amener les trois paliers de gouvernement - les gouvernements provinciaux et municipaux travaillent main dans la main avec le gouvernement fédéral - à collaborer à la création d'emplois pour les Canadiens. Les statistiques montrent que le plan fonctionne. Depuis le mois de juillet l'an dernier,176 000 nouveaux emplois ont été créés malgré les compressions massives effectuées par le gouvernement et les entreprises et malgré l'augmentation constante du nombre de gens qui entrent sur le marché du travail.

Comme tous les Canadiens, j'ai suivi avec beaucoup de fierté les missions commerciales à l'étranger d'Équipe Canada. Quel changement étonnant. Quand, il y a des années, alors que le président des États-Unis, le roi d'Espagne et beaucoup d'autres chefs d'État partaient avec des dirigeants d'entreprises effectuer des missions commerciales à l'étranger, je tentais de persuader le gouvernement canadien du fait que le seul moyen était d'organiser des missions commerciales dirigées par de hauts politiciens, les missions commerciales canadiennes étaient encore dirigées par des fonctionnaires. Comme Jean-Luc Pepin m'a dit une fois:

Dick, vous rendez-vous compte que les Canadiens n'exportent pas, mais que nous permettons aux autres d'importer de chez nous?

Heureusement, les dirigeants de l'industrie canadienne ont appris leur leçon et ce premier ministre fait preuve dans le domaine du commerce international du leadership dont nous avons besoin depuis 20 ans. Le premier ministre a invité tous les dirigeants des provinces et des territoires, ainsi que les membres du monde des affaires à unir leurs efforts à ceux d'Équipe Canada afin d'étendre le marché pour les biens et services canadiens à l'étranger. Il s'agit d'une mission placée sous la direction du gouvernement, sous la direction des représentants commerciaux les plus éminents et les plus sérieux du gouvernement. Cela paraît simple, et c'est pourtant le premier gouvernement à faire ça.

Nos exportations augmentent à un rythme record. La mission de 1994 en Chine, celle de 1995 en Amérique latine et celle de 1996 en Asie ont rapporté au Canada pour plus de 20 milliards de dollars de nouveaux contrats et des dizaines de milliers de nouveaux emplois. Les économistes nous disent que, en moyenne, chaque milliard de dollars exporté assure11 000 emplois, et les emplois sont la principale priorité du gouvernement.

Un commerce amélioré aura un impact considérable sur notre avenir. J'ai été fort heureux d'apprendre, par le discours du Trône présenté en février, que le premier ministre dirigera d'autres missions commerciales de l'équipe Canada. J'ai été particulièrement satisfait de voir que le gouvernement lançait un défi aux gouvernements provinciaux et au secteur privé en leur demandant de faire partie d'une équipe Canada nationale qui créerait des débouchés et des emplois au pays, surtout pour nos jeunes.

Nos obstacles au commerce interprovincial sont impardonnables. Nous devons donner aux provinces la chance de témoigner entre elles d'une générosité commerciale égale à celle que le Canada manifeste à titre de nation. Le gouvernement a affirmé son engagement à collaborer avec les provinces et le secteur privé en vue d'améliorer l'Accord sur le commerce intérieur et de parvenir enfin à une plus grande ouverture. C'est absolument vital.

Je suis convaincu que nous sommes aux prises avec une révolution comparable à la révolution industrielle. Personne ne peut décrire avec certitude ce que sera le monde après la révolution informatique, mais nous pouvons d'ores et déjà constater son impact, surtout chez les jeunes. Ceux-ci sont plus instruits et mieux formés que toutes les générations précédentes. Les collèges et universités canadiens sont reconnus à travers le monde pour leur qualité et la créativité de leurs étudiants. L'éducation et la formation sont les leviers de commande. Chez les jeunes diplômés du cégep ou d'une autre institution postsecondaire, le taux de chômage est aussi faible que 7 p. 100, tandis que chez ceux qui ont quitté l'école après les études secondaires ou même plus tôt, le taux dépasse les 30 p. 100.

Je félicite le gouvernement d'accorder autant d'importance à la création d'emplois pour les jeunes Canadiens. Ils sont notre avenir.

(1630)

Je suis heureux des initiatives qui ont été lancées pour assurer la place du Canada dans le nouvel ordre économique du XXIe siècle. Investir aujourd'hui dans le savoir et la technologie, pour appuyer le développement technologique et l'innovation de demain. C'est maintenant le moment de dépenser intelligemment.

Les statistiques montrent que nous sommes deuxième au monde, immédiatement derrière les États-Unis, pour le nombre d'ordinateurs personnels par habitant. Notre gouvernement travaille pour faire en sorte que nos jeunes soient bien placés pour entrer dans la nouvelle économie alimentée par la technologie. Industrie Canada investira 13 millions de dollars par année, pendant les quatre prochaines années, pour développer le réseau Rescol qui réunira toutes les 16 500 écoles et les3 400 bibliothèques publiques du Canada à l'autoroute de l'information d'ici 1998. C'est le programme gouvernemental le plus ambitieux de son genre au monde. Les éducateurs, les collectivités, l'entreprise, les gouvernements provinciaux et territoriaux et le gouvernement fédéral travaillent ensemble, dans une entreprise conjointe visant à canaliser l'équipement informatique en surplus vers les écoles canadiennes.

Finalement, je voudrais dire quelques mots de la question de l'unité nationale. Quelqu'un disait que nous ne sommes pas véritablement une nation; que nous ne sommes pas véritablement un peuple. Mais il définissait ces termes beaucoup trop étroitement. Sommes-nous tous semblables? Non. Mais je rends hommage à notre diversité. Pouvons-nous remonter aux mêmes origines? Non. Mais la multiplicité des cultures, des histoires et des patrimoines contribuent à la riche tapisserie qu'est le Canada. Et une tapisserie n'est jamais faite d'un seul fil, même d'or.

Il est triste qu'un patrimoine culturel riche et brillant devienne un mur pour se protéger du monde au lieu d'une porte ouverte sur le monde. Les injustices anciennes ne peuvent pas rivaliser avec les aspirations futures comme éléments de construction d'un avenir prometteur. Le patrimoine ethnique et linguistique devrait être un pont qui nous permette, renforcé par la compagnie de nos compatriotes, de monter à l'assaut des défis du monde d'aujourd'hui. C'est la seule façon dont nous pouvons atteindre notre plein potentiel en tant que citoyens du monde.

Nous ne sommes pas portés aux réponses simplistes. Nous voyons les ambiguïtés, les subtilités et les complexités de la vie en cette fin de XXe siècle. Nous n'avons jamais succombé à la tentation des idées simplistes du genre noir ou blanc, bon ou mauvais. Peut-être est-ce une des raisons pour lesquelles nous n'avons jamais réussi à modifier notre Constitution. Il est tellement difficile de mettre sur le papier, en quelques phrases courtes et simples, des choses qui resteront vraies.

Mais il y a certaines vérités que nous reconnaissons. L'une d'elles, c'est que, envers et contre tout, nous avons forgé une nation à partir de cette terre immense et sauvage et à partir d'une population extrêmement diverse. Nous l'avons fait ensemble, depuis plus de 200 ans, c'est-à-dire depuis que nos ancêtres européens ont arrêté de s'échanger des terres comme des pions sur un échiquier. Ensemble, nous avons grandi et nous avons prospéré en tant que nation, économiquement certes, mais plus fondamentalement, plus personnellement que cela. Est-ce que quelqu'un ici peut le définir? Est-ce que quelqu'un peut trouver les mots pour exprimer ce que ça signifie d'être Canadiens? Je ne m'y hasarderai pas, mais je sais combien je suis fier de mon identité. Je sais ce que j'entends de ma famille, de mes amis, de mes voisins et des autres Canadiens. Nous savons que nous sommes un peuple, une nation et que nous sommes ensemble au Canada. Que nos ancêtres aient été chinois, polonais, italiens, français ou britanniques, lorsque nous sommes à l'étranger nous nous félicitons tous d'être Canadiens et nous avons un soupir d'orgueil et de soulagement lorsque nous remettons le pied dans notre cher pays.

Est-ce que ce sont uniquement les Anglais qui pensent de cette façon? Bien sûr que non. Je n'oublierai jamais les jours qui ont précédé le référendum d'octobre. Des Canadiens de tous les horizons, de toutes sortes d'origines, de toutes les régions du pays, se sont rassemblés, dans un exceptionnel témoignage d'attachement, pour dire au Québec et au gouvernement fédéral que nous savons que le Québec est une société distincte, mais qu'il constitue tout de même une partie essentielle du Canada et de notre identité en tant que Canadiens. Ce cri du coeur a été un facteur important, sinon crucial, pour convaincre les Québécois de rejeter la séparation. Chaque Canadien estime qu'il fait partie du pays tout entier et que tous les autres Canadiens sont des frères ou des soeurs qui bénéficient du même patrimoine merveilleux, qu'il ait été acquis à la naissance ou par adoption. Continuer de témoigner cet attachement sera tout aussi crucial pour l'avenir de notre pays.

Le résultat du référendum a été un message clair. Les Québécois veulent du changement dans la fédération. Ils ne sont pas les seuls. Toutes les régions du pays partagent un désir de changement. Dans le discours du Trône, le gouvernement a montré qu'il est disposé à orchestrer ce changement.

Ce n'est pas la première fois que notre pays doive s'adapter à l'évolution de besoins et de situations, et nous ne devrions pas penser que ce sera la dernière fois. Notre pays jeune, en pleine croissance et dynamique n'a que 129 ans. Cela signifie qu'il doit changer pour grandir. La force de notre fédéralisme réside dans sa souplesse, dans sa capacité de réagir au changement.

Une tige de métal peut se rompre, mais un arc ne fera que plier. Ce n'est pas par hasard si notre emblème national est l'érable, dont les branches plient au gré des vents du changement, mais dont les racines, comme nos racines en tant que pays composé de régions diverses, sont fermes et solidement enfoncées dans le sol canadien.

(Sur la motion du sénateur Berntson, le débat est ajourné.)

Le Code criminel

Projet de loi modificatif-Deuxième lecture-Ajournement du débat

L'honorable Anne C. Cools propose: Que le projet de loi S-6, Loi modifiant le Code criminel (délai préalable à la libération conditionnelle), soit lu une deuxième fois.

-Honorables sénateurs, j'interviens à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi S-6.

Ce projet de loi abolit la disposition inscrite actuellement dans le Code criminel autorisant la révision judiciaire du délai préalable à la libération conditionnelle qu'une personne condamnée à l'emprisonnement à perpétuité doit purger. Cette disposition, le paragraphe 745(1) du Code criminel, est en partie la suivante:

(1) La personne qui a purgé quinze ans de sa peine après avoir été déclarée coupable:

    a) de haute trahison ou de meurtre au premier degré;

    b) de meurtre au deuxième degré et condamnée à l'emprisonnement à perpétuité avec délai préalable à sa libération conditionnelle d'au moins quinze ans,

peut demander au juge en chef compétent de la province ou du territoire où a eu lieu cette déclaration de culpabilité la réduction du délai préalable à sa libération conditionnelle.

Honorables sénateurs, la peine capitale a été abolie au Canada, en 1976, au moment de l'adoption du projet de loi C-84, tendant à modifier le Code criminel (meurtre et autres infractions graves).

Honorables sénateurs, laissez-moi vous rappeler la petite histoire de la peine capitale au Canada et de son abolition. Dans son livre intitulé Hanging in Canada: Concise History of a Controversial Topic, Frank Anderson signale qu'une des premières pendaisons enregistrées au Canada a eu lieu en 1749. C'était celle de Peter Carteel qui avait été condamné pour meurtre. Il a été pendu au bout de vergue de son navire dans le port de Halifax. Toutefois, la première exécution sur la terre ferme au Canada aurait été celle d'une jeune femme de 16 ans mais je n'ai jamais pu trouver son nom et je n'ai même jamais pu vérifier l'authenticité des faits. Elle aurait commis un larcin.

La première personne exécutée en Ontario fut Josiah Cutten, un noir accusé de cambriolage. Il a été exécuté en 1792. La dernière pendaison au Canada a eu lieu en 1962, à Toronto. Il s'est agi en fait d'une double pendaison. Le 11 décembre 1962, Ronald Turpin et Arthur Lucas ont été pendus au Don Jail de Toronto. Les deux hommes avaient été déclarés coupables en 1961, Turpin pour le meurtre du constable Frederick Nash, et Lucas, un trafiquant de drogues américain provenant de Détroit, du meurtre crapuleux de deux personnes.

Honorables sénateurs, peu de gens savent aujourd'hui que le dernier homme à être pendu au Canada, Arthur Lucas, était noir. Fait intéressant à noter dans le cas de Turpin et de Lucas, le jury a refusé de recommander l'exercice de la clémence royale, ce qui aurait eu comme résultat de commuer la peine de mort en peine d'emprisonnement à perpétuité. Si la clémence avait été recommandée, le gouvernement Diefenbaker aurait commué les peines.

Honorables sénateurs, la dernière femme à être pendue au Canada est Marguerite Pitre. Elle a été pendue à la prison de Bordeaux, à Montréal, le 8 janvier 1953, après avoir été reconnue coupable du meurtre de 23 personnes dans l'explosion, en 1949, d'un avion DC-3.

Honorables sénateurs, les archives que nous possédons pour la période précédant 1867 sont peu détaillées. Toutefois, en 1867, le Dominion du Canada a commencé à tenir méticuleusement des registres contenant tous les noms des personnes exécutées ainsi que la date et le lieu de leur exécution. Selon ces registres, il y aurait eu 450 exécutions au Canada entre 1867 et 1962. De 1957 à 1963, le gouvernement conservateur de Diefenbaker a commué 52 des 66 peines de mort. Dans ces 52 cas, les jurés avaient recommandé la clémence, c'est-à-dire la commutation de la peine de mort en emprisonnement à vie. De 1963 à 1972, les gouvernements libéraux de MM. Pearson et Trudeau ont commué toutes les peines de mort en peines d'emprisonnement à perpétuité. S'en sont suivis un moratoire de cinq ans puis l'abolition de la peine de mort en 1976.

Honorables sénateurs, le 3 mai 1976, lorsque le solliciteur général de l'époque, Warren Allmand, a proposé la deuxième lecture du projet de loi C-84, il a introduit un compromis politique qui allait rendre possible l'abolition de la peine capitale. Ce compromis consistait en une prescription prévoyant une peine d'emprisonnement à perpétuité avec délai préalable à la libération conditionnelle de 25 ans, pour les personnes reconnues coupables de haute trahison ou de meurtre au premier degré. Il faut comprendre qu'il s'agissait là d'un véritable compromis. Le projet de loi C-84 contenait une disposition qui est passée inaperçue. Le paragraphe 672(1) prévoyait une révision judiciaire du délai préalable à la libération conditionnelle dès que le détenu aurait purgé 15 ans de sa sentence. Cette disposition, le paragraphe 672(1) du projet de loi étudié en 1976, est aujourd'hui devenue l'article 745 du Code criminel. Voilà un fait très intéressant. Peu de gens semblent comprendre qul'article 745 s'applique aux cas où la peine minimale est l'emprisonnement à perpétuité.

Honorables sénateurs, l'article 745 permet au jury de modifier la date d'admissibilité à la libération conditionnelle, c'est-à-dire de modifier la peine imposée par le tribunal. Le jury tient compte de la personnalité du demandeur, de sa conduite en prison, de la nature du crime et d'autres éléments que le juge peut estimer pertinents. Bref, l'article 745 permet à un même niveau de l'appareil judiciaire de modifier sa propre décision. Je le répète, un tribunal peut revenir sur sa propre décision. Tous les autres appels au sujet de la peine doivent être présentés à un tribunal de niveau supérieur. En outre, l'article 745 permet au tribunal de modifier la loi.

Honorables sénateurs, cela me dépasse que l'article 745 n'ait pas été contesté par les politiques jusqu'ici. Il donne aux tribunaux le droit d'accorder la clémence, alors que cela doit relever des organismes compétents, et le pouvoir de modifier des lois, ce qui revient au Parlement. Ceux qui peuvent accorder la clémence sont la Commission canadienne des libérations conditionnelles, la Couronne et le souverain, et le représentant de Sa Majesté, le gouverneur général. Les tribunaux et le Code criminel du Canada n'ont rien à y voir. Le Code criminel ne fait que codifier les crimes et prévoir les peines et la procédure. Les tribunaux n'ont rien à voir avec la clémence et le pardon de Sa Majesté. Le Parlement du Canada devrait examiner cette question.

Honorables sénateurs, voyons brièvement combien de détenus sont admissibles à une révision judiciaire aux termes de l'article 745. La Commission nationale des libérations conditionnelles a publié un résumé des statistiques daté du 9 juillet 1995, date à laquelle 173 détenus étaient admissibles. Là-dessus, 74 ont demandé une révision judiciaire. De ce nombre, 61 ont rempli leur demande. Sur ces 61 détenus, 47 ont obtenu gain de cause, et les 14 autres ont essuyé un échec. Sur les 47 dont la date de libération a été avancée par les tribunaux et le jury, 17 ont obtenu une libération complète, 21 n'ont pas obtenu la libération complète et 9 ont reçu une semi-liberté.

Dans l'affaire opposant Vaillancourt au solliciteur général du Canada, cause dans laquelle un détenu, Vaillancourt, a contesté la constitutionnalité de l'article 672 - qui porte maintenant le numéro 645 -, le juge a parfaitement expliqué le raisonnement qui sous-tend cette disposition du Code criminel. Le juge Callaghan, de la Cour suprême de l'Ontario a déclaré que la révision prévue à l'article 745 :

[...] ménage un équilibre entre l'indulgence à accorder au détenu qui se comporte bien pendant sa peine, ce qui peut être utile à sa réinsertion, et l'intérêt de la société, qui exige réprobation et dissuasion.

Cette opinion était largement répandue lors de l'abolition de la peine capitale, en 1976.

Le 14 juillet 1976, au cours de la deuxième lecture du projet de loi C-84, l'éminent sénateur Daniel Lang a déclaré ceci au Sénat:

Nos opinions personnelles sont déterminées par une multitude de facteurs, tant conscients qu'inconscients, tant objectifs que subjectifs, selon notamment la place que nous occupons maintenant dans le temps, l'histoire et la géographie.

Honorables sénateurs, la solution de 1976 n'est plus acceptable en 1996. Le 3 mai 1976, lorsque M. Warren Allmand a pris la parole à l'autre endroit au cours de la deuxième lecture du projet de loi C-84, il a eu une inspiration prophétique. Il a dit ceci :

[...] je ne prétends pas que ce bill soit parfait [...] À ceux qui entretiennent des doutes au sujet de ce bill parce qu'ils croient que l'abolition est juste mais que la solution proposée ne l'est pas, je lancerai une mise en garde. Le public canadien est préoccupé par le crime et a droit de s'attendre à être protégé. Le meurtre est un crime horrible et odieux et doit être puni sévèrement si nous devons bien répondre au sentiment de la société qui dénonce le meurtrier.

En tant que politicien et sénateur, je suis en faveur de l'abolition de la peine capitale survenue en 1976. Je crois que la peine capitale est tout aussi indésirable socialement aujourd'hui qu'alors. Je suis solidaire et plein de respect à l'endroit des personnes qui ont travaillé pendant un siècle au moins à mettre fin à l'utilisation de la mort comme sanction pénale.

Jusqu'en 1976, la peine capitale était considérée comme le meilleur moyen pour la société canadienne de décourager les meurtriers. Toutefois, même en 1976, au cours du débat sur le projet de loi C-84, le solliciteur général de l'époque, Warren Allmand, disait que le débat soulevait deux questions, soit:

[...] la peine capitale constitue-t-elle un moyen efficace de protéger le public, et le recours à la peine capitale est-il conforme à la finalité et aux valeurs que soutient notre société?

Tout dépend des valeurs des valeurs que soutient notre société et de l'expression de ces valeurs dans le Code criminel.

Honorables sénateurs, le Code criminel représente ce que les Canadiens considèrent comme des comportements haineux et offensants. En tant que tel, c'est un statut qui doit être en constante évolution. Ce qui est offensant à un moment donné peut ne plus l'être au fur et à mesure de l'évolution naturelle des valeurs morales de la société.

(1650)

L'article 745 est désuet désormais et doit être abrogé. À mon avis, si ce projet de loi n'est pas adopté, de nombreux Canadiens demanderont le rétablissement de la peine capitale dans notre pays. Je pense que nous ne pourrons, en tant que politiciens, en tant que parlementaires, résister à l'opinion publique qui réclamera le rétablissement de la peine de mort pour ceux qui tuent d'innocentes victimes. Il faut arriver à un nouveau compromis politique. Dans un article intitulé «Adapter la peine au crime» et paru dans le Toronto Sun du 14 avril 1996, Michael Harris appuie l'abrogation de l'article 745. À propos du maintien du délai de 25 ans préalable à l'admissibilité à la libération conditionnelle, il dit ceci:

Le fait d'infliger automatiquement cette peine est sage pour deux raisons. Elle protège la société contre un individu qui a déjà montré un énorme mépris pour ses semblables, et cela constitue une solution de rechange raisonnable pour ceux qui veulent voir l'État exécuter l'auteur du crime. En soi, une peine d'emprisonnement à perpétuité qui se traduit par 25 ans constitue une catharsis pour ce qui est probablement l'événement le plus atroce que quelqu'un puisse vivre - la perte d'un être cher victime d'un crime violent - et ce, sans transformer la société en bourreau.

Honorables sénateurs, la peine pour un meurtre au premier degré et l'emprisonnement pour 25 ans sont une source de confusion. Il existe une grande confusion quant à la signification de l'emprisonnement à perpétuité. Une peine d'emprisonnement à perpétuité signifie justement cela - à perpétuité. En d'autres termes, le mandat du détenu correspond à la durée de sa vie. Si le détenu est condamné à l'emprisonnement à perpétuité, son mandat expire le jour de sa mort. L'expression juste utilisée dans le système carcéral est la date d'expiration du mandat ou DEM.

Permettez-moi de redire cela. Ceux qui purgent une peine d'emprisonnement à perpétuité ont un mandat qui expire le jour de leur mort. Il y a une grande confusion à ce sujet dans l'esprit des gens. Bon nombre de Canadiens pensent qu'une peine d'emprisonnement à perpétuité est, non pas à perpétuité, mais équivaut plutôt à 25 ans. Les 25 ans correspondent au délai qui s'écoule avant l'admissibilité à la libération conditionnelle. C'est différent.

Honorables sénateurs, comme nombre d'entre vous le savent, j'ai déjà fait partie de la Commission nationale des libérations conditionnelles. J'ai personnellement accordé et révoqué bien des libérations conditionnelles. J'ai personnellement accordé nombre de réhabilitations. En outre, ces fonctions m'ont amené à travailler étroitement avec la police de l'agglomération de Toronto pendant de nombreuses années. J'ai travaillé étroitement avec la police à Toronto et avec plusieurs chefs de police, du chef Harold Adamson dans les années 70 jusqu'au chef actuel.

Parmi les raisons qui me poussent à présenter le projet deloi S-6, il y a ma profonde compréhension de la psychopathie et de la sociopathie. Les législateurs comprennent mal les forces sociales et psychologiques qui sont de nos jours à l'origine de la prolifération des psychopathes. Nombre de législateurs ne comprennent pas le type de psychopathe narcissique qui retire une grande satisfaction non seulement des souffrances qu'il inflige à ses victimes et à leur famille, mais encore des désagréments qu'il cause au système de justice et au Parlement. C'est un énorme problème dans les institutions.

De plus, au moment de l'abolition de la peine capitale en 1976, les autorités n'ont pas tenu compte d'une foule de forces sociales nouvelles et modernes. Elles n'ont pas tenu compte du développement de la Charte des droits et libertés, du développement des droits des prisonniers, des conditions meilleures dans les prisons d'aujourd'hui ou de la prolifération des recours à la Charte par les criminels et les détenus grâce à l'aide juridique. Le législateur ne pouvait prévoir en 1976 que la Charte deviendrait un outil pour les contrevenants. Il ne pouvait prévoir non plus l'évolution de la pratique du droit ni la nécessité d'être vigilants quant à la conduite des avocats.

Une chose est claire aujourd'hui, en 1996: l'intervention du Parlement dans le système de justice pénale est nécessaire.

La réalité de la psychopathie, homicide ou autre, la réalité des psychopathes et des sociopathes, c'est qu'il s'agit d'individus sournois, rusés, plus ingénieux et débrouillards que les autorités. Ils sont plus ingénieux que les procureurs, les juges, les autorités carcérales, la Commission nationale des libérations conditionnelles et bien plus encore que nombre de députés.

Clifford Olson nous montre assez clairement que nous sommes des imbéciles, et Karla Homolka nous rit en pleine face.

L'article 745 est dépassé. Il ne correspond plus à la situation actuelle et il ne reflète pas les valeurs morales, les normes et les autres valeurs de notre société moderne. Comme la plupart des notions dépassées, cet article devrait être déclaré vétuste et rendu inopérant jusqu'à ce qu'un examen de tous les aspects de la question puisse être entrepris. Le Canada a grand besoin d'un examen approfondi de la conduite des enquêtes, des mises en accusation, du pouvoir discrétionnaire de poursuivre, de la négociation de plaidoyers et de l'ensemble du système de justice pénale.

L'abrogation de l'article 745 serait la première étape de la réaffirmation et de la réintroduction des valeurs publiques actuelles dans le système canadien de justice pénale. Je demande aux honorables sénateurs d'appuyer une telle initiative et d'aller au fond des questions troublantes que j'ai abordées. Je le répète, je prends cette initiative parce que je crois sincèrement que nous, politiciens et parlementaires, devons ouvrir la voie. Sinon, je crains que nous ne réussissions pas à convaincre la population que la peine de mort n'est pas un châtiment qui convient pour les auteurs de crimes aussi brutaux.

(Sur la motion du sénateur St. Germain, le débat est ajourné.)

Question de privilège

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, je sais que le temps passe et je suis prête à prendre la parole quand vous le voudrez.

Des voix: Allez-y.

Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, je désire soulever la question de privilège en conformité du paragraphe 43(1) du Règlement du Sénat du Canada. Je soulève la question de privilège et demande à Son Honneur le Président du Sénat de décider s'il y a eu, à première vue, violation de privilège. Ma question concerne des lettres de M. Clifford Olson, qui purge plusieurs peines d'emprisonnement à perpétuité dans un pénitencier fédéral de la Saskatchewan. Des passages de ces lettres mettent en doute les travaux du Sénat, et notamment le projet de loi S-6, Loi modifiant le Code criminel (délai préalable à la libération conditionnelle), qui est à l'étape de la deuxième lecture au Sénat.

Ce détenu a écrit au juge William Esson, juge en chef de la Cour suprême de la Colombie-Britannique, au sujet de sa demande de révision judiciaire, conformément à l'article 745 du Code criminel du Canada, auquel il deviendra admissiblele 12 août 1996. Le détenu a en quelque sorte écrit à l'avance.

(1700)

Il a écrit des observations répugnantes sur une copie de cette lettre qu'il a fait parvenir à M. John Nunziata, de l'autre endroit. Ce dernier m'a transmis la lettre. Le détenu écrit ce qui suit:

JOHN, VOUZ AVEZ QUELQUE PEU TARDER À DÉPOSER VOTRE PROJET DE LOI D'INITIATIVE PARLEMENTAIRE SUR LES FAUX ESPOIRS. DÉSOLÉ POUR VOUS, PAUVRE CON. SOURIEZ MAINTENANT.

Clifford Robert Olson

LA BÊTE DE LA COLOMBIE-BRITANNIQUE
JE RENTRE À LA MAISON LE 12 AOÛT 1996
et y'a mauditement rien qui va m'en empêcher.

L'orthographe de cet homme laisse franchement à désirer. Il déclare très clairement que l'étude du projet de loi qui abroge l'article 745 du Code criminel est un travail de con. Il a envoyé des copies de cette lettre aux députés Art Hanger et Val Meredith. M. Sean Durkan a fait état de ces lettres dans le Toronto Sun du 12 avril 1996, dans un article intitulé «Gardez-moi en cage si vous le pouvez: Olson».

Honorables sénateurs, le langage utilisé par ce détenu est horrifiant. En outre, ses commentaires portent atteinte au Parlement du Canada, aux sénateurs et aux députés. Un tel comportement est une atteinte aux privilèges parlementaires dont le Parlement doit être saisi.

Des lettres et des paroles aussi malveillantes sont chose courante pour ce détenu, qui a régulièrement entravé les travaux parlementaires et tenté d'intimider le Parlement.

Ce détenu m'a écrit à mon bureau. La lettre, en datedu 27 octobre 1995, était adressée à mon nom. Je veux lire cette lettre aux sénateurs :

Par : Clifford Robert Olson
Unité de traitement spécial
Pénitencier de la SaskatchewanC.P. 160
Prince Albert (Saskatchewan)
S6V 5R6 CANADA

L'honorable sénateur Anne Cools
Le Sénat du Canada
Ottawa (Ontario)
K1A OA4

Sénateur Cools,

Je vous écris après vous avoir vue à l'émission de Dini à la télé. Vous avez parlé de l'affaire Karla Homolka et vous avez mentionné mon nom. Je me demandais pourquoi un sénateur comme vous, qui n'a jamais été élu par les Canadiens et qui reçoit une paye pour ne PAS adopter de lois et qui n'est absolument pas utile peut essayer de présenter un projet de loi demandant que karla Homolka passe le reste de sa vie en prison. vous avez présenté le projet de loi au sénat mardi. Je vois que la première lecture est faite et qu'il est maintenant en deuxième lecture.

Comme vous savez, le projet de loi s'il passe les trois lectures, va à la Chambre des communes. Ce que vous savez pas c'est que le Parlement et vous-même ne sont pas au-dessus des lois et que donc, il n'y a aucune chance que votre projet de loi devienne loi un jour.

J'ai lu votre projet de loi S-11 demandant que la peine de prison de Karla homolka soit prolongé pour le reste de sa vie naturelle sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans. Comme vous savez ou devriez savoir, vous auriez dû lécher le cul de Karla Homolka, comme beaucoup d'autres, parce qu'elle a témoigné contre son ex-mari Paul Bernardo, qui a eu un procès et a été condamné pour les meurtres sexuels des écolières Kristen French et Leslie Mahaffy. En fait Karla Homolka ne devrait jamais avoir été accusée de ces meurtres, Elle a été victime d*abus par Paul Bernardo ses avocats devraient être au pénitencier pour n'avoir pas recu complète IMMUNITÉ pour elle; Gardez en tête sénateur Cools, C'est elle qui a livré Paul Bernardo à la police.

L'idée de ma lettre c'est de vous souligner que vous présentez un projet de loi S-11 au Sénat alors que vous savez que c'est impossible de faire une loi avec ça. Pourquoi les Canadiens devraient dépeenser des millions par année pour payer vos salaires alors que vous et le reste du Sénat du Canada, comme on dit, sont aussi inutiles que des tétines sur un taureau, vous sucez le public canadien jusqu'à la moelle. Passez une loi pour me pendre et gardez moi en dedans pour le reste de ma vie. Vous etes risible comme le reste du Sénat.

Bien à vous,

Clifford Robert Olson
TUEUR EN SÉRIE de 11 enfants

Honorables sénateurs, ces lettres sont de graves outrages. Le fait que le détenu se décrive dans cette correspondance comme le tueur de 11 enfants est un affront impardonnable et une obscénité à l'égard de nous tous.

Honorables sénateurs, après avoir lu cette lettre, mes mains ont tremblé pendant 15 minutes.

Le droit des détenus dans un établissement correctionnel fédéral d'écrire à un parlementaire est défendu par nous tous. Nous voulons tous que justice soit faite. Ce principe est défendu également par le système correctionnel fédéral et est pratiqué par le Service correctionnel du Canada. C'est contenu dans les directives du commissaire du Service correctionnel du Canada. L'annexe A de la directive no 85 du commissaire donne la liste des correspondants privilégiés. Cette liste comprend le solliciteur général du Canada, le président de la Commission nationale des libérations conditionnelles, les sénateurs et les députés, et d'autres comme le gouverneur général.

Honorables sénateurs, il nous faut remarquer que ce privilège ne peut être ni éliminé, ni censuré par le Service correctionnel du Canada. Je n'ai connaissance de cette directive que depuis quelques jours, depuis le vendredi 19 avril 1996. Le droit d'un détenu d'écrire aux parlementaires est un privilège. Le droit d'un parlementaire de recevoir de la correspondance d'un détenu est également un privilège. Ce privilège, vu qu'il est lié aux délibérations du Parlement et au privilège parlementaire, est donc sérieux, c'est une chose dont la violation porte à conséquence.

Ce privilège est important pour les détenus. Toutefois, l'utilisation de ce privilège pour insulter le Parlement, pour écrire des indécences aux parlementaires, pour insulter les victimes décédées et leur famille, pour faire affront aux morts et pour essayer de s'attaquer au projet de loi S-6, est un outrage au Parlement et une violation des privilèges.

Honorables sénateurs, les observations qui figurent dans la lettre de ce détenu démontrent son mépris pour le Sénat, la Chambre des communes et le processus parlementaire en général. Ces lettres constituent un affront direct aux pouvoirs et aux privilèges du Parlement. Comme le disait le grand parlementaire Erskine May dans son traité, Parliamentary Practise, 21st Edition:

Les affronts à la Chambre, par des paroles ou des écrits publiés, qui mettent en cause son caractère ou ses délibérations, ont été constamment punis par la Chambre des lords et la Chambre des communes, en vertu du principe que ces actes ont tendance à nuire au fonctionnement des Chambres en portant atteinte au respect qu'on leur doit.

Porter atteinte aux députés, c'est comme porter atteinte à la Chambre.

Le Parlement devrait agir promptement et faire état de son mécontentement à l'égard de ce geste scandaleux.

Honorables sénateurs, ce détenu a été condamné le 14 janvier 1982, pour avoir agressé sexuellement, torturé et assassiné huit jeunes filles et trois garçons, à Vancouver en Colombie-Britannique. Un article de la Presse canadienne intitulé «Le juge avertit Olson: cessez de nous importuner», publié dans le Globe and Mail du 5 avril 1996, nous apprend que ce détenu a intenté plus de 30 poursuites en justice depuis qu'il est incarcéré.

Dans un article du Toronto Sun du 18 janvier 1996 à propos de ce détenu, sous le titre «Le tueur veut faire respecter ses "droits"», Peter Worthington signale qu'on a dû interdire à ce détenu tout contact avec les médias et vice versa. Un autre article de la Presse canadienne intitulé «Olson conteste la demande qui le priverait de toute publicité», paru dans le Globe and Mail du 12 janvier 1996, nous apprend qu'en octobre 1994, un juge de la Cour fédérale a interdit à Olson d'intenter des poursuites en justice au sujet du traitement qu'on lui réserve en prison, à moins d'obtenir une permission précise d'un tribunal à cet effet.

Ce juge a qualifié le détenu de plaignant vexatoire. Le même article de journal nous apprend que, durant l'une de ses nombreuses comparutions à la cour, le détenu a affirmé, au cours de son témoignage, que ses droits constitutionnels étaient violés par cette ordonnance de bâillonnement et que l'interdiction constituait, comme il l'a dit, une «question politique».

Honorables sénateurs, ce détenu, à cause de sa conduite et de ses grossièretés et des obscénités qu'il a proférées dans sa correspondance adressée aux parlementaires, a effectivement transformé son cas en question politique et le Parlement doit maintenant se pencher sur cette question. Il abuse des procédés et des privilèges parlementaires et il abuse de nous. Ce faisant, il viole le privilège parlementaire et commet un grave outrage au Parlement.

Il est clair que les interdictions imposées par le système judiciaire et le Service correctionnel du Canada demeurent sans effet. Il faut que le Parlement intervienne et exerce ses pouvoirs punitifs pour mettre définitivement fin à ces outrages.

Honorables sénateurs, je ne peux plus accepter ces interdictions, ces violations du Parlement et de ses privilèges et la psychose de ce détenu et je refuse de recevoir du courrier comme celui-là à mon bureau, sur la colline du Parlement. Le Parlement devrait comprendre ce trouble de la personnalité, ce narcissisme, surtout lorsqu'il conduit à un mépris de l'autorité du Parlement.

(1710)

Honorables sénateurs, je demande à Son Honneur le Président de décider si la question de privilège paraît fondée à première vue. Dans l'affirmative, je suis prête à proposer la motion nécessaire pour renvoyer cette question au comité pertinent.

Mon expérience est quelque peu différente de celle de nombreux sénateurs. J'ai vu beaucoup de ces détenus en personne. J'ai lu les autopsies et les rapports. J'ai examiné ce côté très sombre de très près. Il se peut que certains sénateurs soient plus difficiles à émouvoir que moi, et qu'ils ne soient pas offensés par ce type d'envois que nous recevons par le courrier et que nos secrétaires ouvrent. Cependant, je voudrais signaler que j'ai reçu des envois vraiment terribles dans ma vie. En politique, nous acceptons cela comme une chose inévitable. Ainsi, si je vois des paquets qui sont trop mystérieux, je ne les ouvre pas. Je reçois également des documents extrêmement racistes par la voie du courrier. On se débarrasse simplement de ces envois, car on ne veut pas que les gens qui nous entourent soient blessés par ce type de choses. Cependant, de toutes les choses terribles que j'ai jamais reçues par le courrier, c'est, selon moi, la pire.

Je remercie les honorables sénateurs de leur attention.

L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, j'ai représenté la circonscription de Mission-Port Moody où ces crimes horribles ont eu lieu. Qu'il y ait violation de privilège ou non, je pense qu'il est important que j'aie reçu en tant que député de Mission-Port Moody des envois venant d'un certain Clifford Robert Olson. Je ne sais pas si je les ai encore, mais cela ressemblait à ce que le sénateur Cools a décrit aujourd'hui. Si je me rappelle bien, c'était du courrier qui est arrivé au moment où il était question de tenir un vote libre sur la peine capitale à la Chambre des communes.

Je n'ai pas la sagesse voulue pour juger s'il s'agissait oui ou non d'une violation de privilège, et le sénateur Cools a demandé au Président du Sénat de se prononcer là-dessus. Cependant, je peux lui dire et à d'autres honorables sénateurs qu'on peut prouver le comportement de cet individu. On ne peut sous-estimer la capacité de cet individu de tenir des propos horribles et violents dans une lettre.

Je remercie les honorables sénateurs de m'avoir permis d'intervenir au sujet de cette question de privilège.

Son Honneur le Président pro tempore: Comme les honorables sénateurs le savent, la question de fond n'est pas tranchée par le Président, mais par le Sénat lui-même, parfois à la suite d'une motion du comité du privilège, du Règlement et de la procédure ou de tout le Sénat.

Il s'agit maintenant pour la présidence de décider s'il y a des présomptions suffisantes, si la question de privilège paraît fondée à première vue et mérite qu'on l'étudie plus en profondeur. Il est évident que la présidence va réfléchir à la question et rendre sa décision à une date ultérieure.

Le solliciteur général

L'incident de l'attentat contre le premier ministre-Interpellation

L'honorable William M. Kelly, ayant donné avis le 19 mars 1986:

Qu'il attirera l'attention du Sénat sur l'altercation entre le premier ministre et un manifestant survenue le 15 janvier 1996 dans le parc Jacques-Cartier.

- Honorables sénateurs, je me rends compte que l'incident en question s'est produit il y a deux mois. Loin de moi l'idée de susciter un débat là-dessus, je veux simplement faire quelques mises au point que voici.

L'incident dont il s'agit, c'est la brève altercation entre le premier ministre et un manifestant survenue dans le parc Jacques-Cartier le 15 février. Ce qui m'a consterné, ce n'est pas tant l'incident même que la réaction de la population et des politiciens.

Il me semble que beaucoup de gens veulent avoir à la fois le beurre et l'argent du beurre. D'une part, ils veulent pouvoir avoir accès à nos titulaires de charge publique. Ils veulent pouvoir leur serrer la main, les regarder dans les yeux et, si l'occasion s'y prête, leur dire un mot ou deux. Ils ne veulent pas qu'ils soient entourés de grands gaillards de la sécurité qui établissent un cordon sanitaire entre les titulaires de charge publique et le public. Ils ne veulent rien savoir d'un dispositif de sécurité à l'américaine: tireurs d'élite, gilets pare-balles, agents musclés portant des lunettes de soleil et parlant à leur poignet, et cetera.

Je me rappelle le brouhaha qui a suivi l'achat onéreux d'une voiture blindée pour un premier ministre précédent. Je me rappelle également l'incident survenu lors de la campagne électorale de 1957, il y a bien longtemps de ça, à un grand rassemblement du Parti libéral à Toronto, quand des policiers trop zélés qui escortaient le premier ministre avaient jeté quelqu'un à terre. Selon le mot mémorable de Peter Newman, le règne ininterrompu du gouvernement libéral venait de prendre fin ce soir-là à cause du bruit de la tête de la victime heurtant le sol, car selon les médias et John Diefenbaker, cet incident témoignait de l'isolement et de l'élitisme dont souffraient les libéraux depuis le temps qu'ils étaient au pouvoir.

Nous nous opposons à des mesures de sécurité complexes pour nos dirigeants, car les Canadiens ont la ferme conviction que le Canada est réellement le royaume paisible. Nous prônons aussi fortement l'égalitarisme. Nous ne mettons pas nos dirigeants sur un piédestal. Nous ne voulons pas que l'accès à nos dirigeants soit réservé aux nantis et à ceux qui ont de bons contacts. Nous croyons que l'accès à nos dirigeants est un droit, et non un privilège, réservé à tous les Canadiens.

Il suffit de regarder la situation en Ontario, où des mesures de sécurité supplémentaires à Queen's Park ont provoqué des sentiments de dérision dans les médias et d'indignation dans l'opposition et, à mon avis, ont suscité une réaction plus agressive de la part des manifestants. C'est pratiquement comme si les manifestants considèrent la sécurité accrue comme un défi glorieux à surmonter, leur propre bastille. Par contre, nous réagissons fortement lorsqu'un accident comme celui du parc Jacques-Cartier se produit. Nous sommes offusqués lorsqu'un tel incident survient, et nous blâmons les responsables de la sécurité d'avoir manqué à leur devoir.

Nous ne pouvons pas gagner sur les deux tableaux. Je ne sais pas au juste ce qui s'est passé au parc Jacques-Cartier. Je sais que notre premier ministre aime rencontrer les gens et se mêler à la foule pour le faire. Devrait-on l'en empêcher?

Je sais aussi que la foule réunie ce jour-là au parc Jacques-Cartier était composée surtout d'écoliers qui s'étaient rassemblés pour honorer le drapeau national. Qu'auraient dit les médias si le premier ministre n'avait pas adressé la parole à quelques-uns de ces enfants, mais avait plutôt été entouré d'un mur d'agents de sécurité de la GRC?

En fait, la GRC avait ce jour-là sous la main le groupe de gardes du corps personnels du premier ministre, des agents d'infiltration, une équipe spécialement entraînée pour intervenir en cas de manifestation, une équipe anti-émeutes en réserve et un groupe d'intervention tactique. N'est-ce pas suffisant, bon sang? Certains diront que non évidemment puisque quelqu'un a réussi à s'approcher du premier ministre.

Nous reconnaissons tous que le monde a changé et continue de changer. La menace pèse sur nous de toutes parts. Il demeure cependant que tant que nous voudrons que notre premier ministre soit accessible et tant que nous aurons des premiers ministres qui désirent être accessibles, il faut s'attendre à ce genre d'incident.

Je crois que la GRC a fait à peu près ce qu'il fallait pour assurer la sécurité du premier ministre. Je pense que la tradition canadienne de permettre un accès relativement libre à nos dirigeants exige un service de sécurité discret. Il serait mauvais, à mon avis, que la GRC aille à l'encontre de cette tradition en l'absence d'une menace précise, présente et importante.

Les gens à l'esprit tordu considèrent trop souvent un service sécurité de sécurité voyant comme une provocation qui ne fait qu'aggraver les choses. L'assassinat de M. Rabin a montré que même l'appareil de sécurité le plus complexe du monde peut être déjoué par une personne décidée à risquer le tout pour le tout.

Plutôt que de chercher des vilains dans le parc Jacques-Cartier, nous devrions nous réjouir de la tradition canadienne qui permet et encourage l'accès à nos dirigeants, même au prix parfois d'incidents fâcheux.

En outre, nous devons reconnaître que les relations entre les forces de sécurité et le public sont très difficiles. J'ai dit à maintes reprise à la Chambre que, par définition, on parle rarement des bonnes choses que font ces organisations. Par contre, on fait beaucoup de bruit autour de leurs moindres erreurs.

Le fait est que le nombre de véritables incidents de sécurité touchant nos dirigeants politiques a été remarquablement faible tout au cours d'une période très turbulente dans la politique intérieure et internationale. C'est tout à l'honneur de la GRC et du Service canadien du renseignement de sécurité.

Nous devons également faire attention, dans nos critiques, de ne pas ternir inutilement des institutions et des symboles nationaux importants. Je ne dis pas que les institutions et les symboles nationaux devraient être à l'abri de la critique quand elle est méritée, mais que nous devons faire attention quand nous formulons nos critiques.

Les Canadiens dans leur ensemble sont d'humeur grincheuse. Rien ne semble plus fonctionner. Tout semble changer, pour aller vers quoi? Nous ne le savons pas. En ces temps d'incertitude et d'épreuve pour le Canada en tant que pays, nous avons besoin d'un certain nombre de choses auxquelles nous accrocher pour avoir un sentiment de permanence et de continuité.

Depuis l'époque où elle était la police à cheval du Nord-Ouest, la GRC a rendu des services inestimables à notre pays. C'est à nos gendarmes à cheval qu'on nous reconnaît souvent à l'étranger. Au lieu d'exploiter avec jubilation la moindre peccadille et la moindre gaffe de la GRC, nous devons adopter une vue d'ensemble. Nous devons reconnaître et renforcer l'importance d'organismes comme la GRC dans notre patrimoine et en tant que symbole national.

Nous devons également reconnaître que, dans l'ordre des choses, la sécurité assurée à nos dirigeants reflète la tradition canadienne de transparence et d'accès à nos dirigeants et qu'elle a été remarquablement efficace au fil des années.

Son Honneur le Président pro tempore: Si personne d'autre ne veut prendre la parole, le débat sur cette interpellation est considéré comme terminé.

(Le Sénat s'ajourne au mercredi 24 avril 1996, à 13 h 30.)


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